Rechercher un article

Emilie Arfeuil –Peeping Tom

Preview

Elle s’appelle Emilie Arfeuil. Vous ne saurez rien d’autre de précis sur elle, hormis ces lignes qu’elle nous a envoyées :

« La photographie m’accompagne depuis toujours. Mes parents m’offrent un appareil argentique pour mes 15 ans et je commence alors à photographier mes camarades de classe dans ma chambre et dans le plus simple appareil, une cigarette entre les lèvres, étudiant leur comportement en même temps que celui de la fumée. Smoke(rs) behaviour est exposé dans une petite galerie clermontoise puis dans des festivals locaux. A cette époque la photographie n’est pour moi qu’une manière de me démarquer, une forme d’expression qui me met à l’écart et me donne la position confortable de spectatrice de ma propre adolescence.

La rencontre avec une jeune agent de photographe transforme mon besoin fondamental de photographier en un métier. Elle me laisse son studio à disposition pour créer un book commercial et pendant plusieurs années me fait travailler en tant que photographe de mode et beauté pour la publicité, des catalogues, des look-books de jeunes créateurs. Attirée par l’argent et la mode, j’en oublie qu’il est important de photographier ce que l’on veut montrer, et non ce que les autres veulent voir. Mes images s’accumulent mais ne me ressemblent plus, je ne touche plus mon appareil sans être payée pour le faire.

Peeping Tom

La série Peeping Tom vient d’une obsession inconsciente, d’une récurrence dans mon travail de reportage de photographier des individus, solitaires, souvent simples silhouettes isolées dans un lieu inconnu et difficilement indentifiables.

Au fil de mon errance, je me heurte à l’errance même de ce que je photographie, celle des sujets humains et même de l’architecture. L’ombre de l’homme dans la rue se découpe à peine, les lignes des bâtisses fuient la nuit noire qui les encadre. Les sujets sont enclavés, cloisonnés par les lignes et les diagonales des décors, et par le noir profond de la nuit. Les lieux se fondent et se confondent pour laisser place à un mystère, à l’étrangeté de ce que l’on ne connait pas. La réalité elle-même a parfois des airs de mise en scène, comme une séquence préparée à l’avance au détour d’une ruelle, juste pour cette image. La perspective et la distance par rapport au sujet donnent une dimension picturale et cinématographique à l’image, le documentaire se mêlant étroitement à la fiction. Et comme le dit Boileau « le vrai peut quelquefois ne pas être vraisemblable ».

L’individu photographié est sur son propre terrain et je ne souhaite pas l’en extraire ni y pénétrer. Je tente le pari de l’invisibilité pour ne pas troubler cette scène qui serait transformé inévitablement par ma présence. Les photos sont volées, prises principalement sans trépied, avec un 35mm et en couleur, pour être au plus près de ma vision réelle. Je me place en pur observateur, voyeur-voleur distancié sans être violeur de cet inconnu qui restera inconnu et préservé. Je marche vite et je tousse pour cacher le bruit du déclencheur, la nuit est mon refuge principal afin de ne pas détruire l’équilibre parfait de cette réalité étrangère. Je ne prends qu’une seule photo, un centième de seconde de vie pris sur le vif, et l’instant est figé.

Ici, ce n’est pas le photographe qui s’approche, c’est le regard qui doit entrer dans l’image. Le spectateur des photographies devient actif, il observe la scène de loin comme si lui-même croisait cette masseuse endormie ou cet homme jouant aux cartes au fond d’une impasse. Le sujet de l’image n’est pas une évidence, il ne saute pas toujours aux yeux, il n’est pas toujours centré ni au premier plan non plus, et parfois même à la limite du minuscule.

J’ai besoin de prendre mon appareil et de me perdre. Regarder le bruit devenir peu à peu silence, le temps ralentir jusqu’à se figer. Toucher ce qui est beau avec mes yeux, faire d’un rien un quelque chose, découvrir un désert dans la foule et une foule dans le désert. Regarder ces gens seuls qui ne me voient pas et imaginer ce à quoi ils pensent sans jamais le savoir. M’arrêter quelque part pour toujours l’espace d’un instant, seule et solitaire. Voir chaque chose comme si c’était la première et la dernière fois. Oublier ce qui m’entoure pour mieux le voir. Fermer les yeux, longtemps, pour mieux les rouvrir, longtemps. Rire avec mes yeux, crier avec mes yeux, apprendre à tout sentir par ce seul sens. Convoquer l’odeur, le bruit et le goût de chaque chose à travers mon optique pour voler ces instants à la vie. »

Vernissage samedi 26 Mars 2011 à partir de 19h jusqu’à 23h.
Et ouverture le dimanche 27 de 12h à 20h.
GALERIE 106
106 rue du Chemin Vert, 11ème
Paris, France

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android