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Stephen Shames –Bronx Boys

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Durant deux décennies, Stephen Shames a photographié un groupe d’enfants et d’adolescents dans l’un des quartiers les plus stigmatisés de New York, le Bronx. L’un des tout premiers livres numériques propose une immersion en douceur dans la vie de ces gamins de quartier.

Il y a dans la voix et le regard de Stephen Shames le charme de l’enfance. Bronx Boys est une «autobiographie» ; les images expriment ce qui profondément le touche : un saut entre les toits, un sourire bras croisés, un bâton glacé en train d’être dévoré, une baignade improvisée sur le jet d’eau d’un bouche à incendie. Derrière les multiples moments de vie qu’il a immortalisé dans le Bronx se cache une sensibilité moderne, à fleur de peau.

La belle histoire débute par une commande du magazine Look, qui envoie le photographe documenter ce quartier défavorisé pour un reportage. On est en 1977, Stephen Shames ne se doute pas qu’il y retournera à maintes reprises, pris au cœur par l’ambiance et la chaleur des gens qu’il va rencontrer. Et dès le premier jour, il remarque que ces photos sont extraordinaires, en particulier une, « Ralph Jumps », dont il dit qu’elle est sûrement la meilleure de sa carrière. « Le Bronx est un endroit rempli de contrastes. Une aubaine pour tout photographe. Pour autant, ses habitants m’ont ouvert les bras, dès le début je faisais partie de leur famille. »

Au delà de la 125e rue, Stephen Shames va alors s’intéresser à la condition de ces enfants trainant dans la rue le jour, mais parfois aussi la nuit. Des bambins d’une société négligée qui le touchent et lui rappellent sa propre enfance faite d’abus. « Mes parents n’ont jamais su élever un enfant et était très injustes avec moi. Ils faisaient du mieux qu’ils pouvaient mais ne pouvaient pas contenir leur relation et leur comportement explosifs. »

Un photographe blanc dans un ghetto noir

A l’époque, le Bronx est une banlieue malfamée. A une heure en métro du centre de Manhattan, on y vole, viole ou deal. L’héroïne, la cocaïne puis le crack y font des ravages. Les agents immobiliers font incendier leurs propres immeubles pour toucher des indemnités d’assurances. « Certains gosses que j’ai photographié acceptaient 300$ pour exécuter ce genre de jobs », se rappelle le photographe. Pour autant, le regard de Shames va s’éloigner des scènes de violences et des histoires à sensation qui figurent déjà dans tous les magazines. Il choisit le documentaire aussi bien par sentiment que par objectivité. « Beaucoup de journalistes se contentent de ces aspects, c’est verser dans la facilité. Je n’aime pas les stéréotypes sur les noirs ou les latinos. Il était plus complet d’aussi photographier le quotidien, les amours, les moments de joie, les familles réunis dans la rue. »

Ce vétéran de la photographie n’a pas eu à affronter la parole des gens qu’il a abordés. Stephen Shames a dédié sa vie et son regard au peuple Noir. Avant le Bronx, dans les années 60, il y eu la lutte pour les droits des Afro-Américains et les Black Panthers. Des photos iconiques parues dans les journaux et plus récemment chez Aperture. Impliqué dans la communauté depuis des années, l’homme possédait par conséquent un passeport impérissable, celui de l’ouverture d’esprit et du sens de l’approche. Deux vertus qui lui ont permises d’oublier ce sentiment « d’absurde insécurité que les blancs peuvent ressentir ». Aujourd’hui, Stephen Shames, qui aujourd’hui a fondé une non-profit pour d’autres enfants en Ouganda, reste un homme entouré de photographie mais aussi d’amis. L’un de ces garçons du Bronx, Martin Dones, a même écrit un essai dans son livre. “Quant à Jose Poncho, la quarantaine, il vit toujours dans le quartier et a trois filles. »

Bronx Boys n’est pas seulement une série d’images historiques, c’est aussi l’une des premières monographies digitales. 265 pages d’images de bonne qualité en interactivité. « Les jeunes ne lisent plus les journaux. Je parie que dans 5 ans, ce modèle sera démocratisé et que chaque photographe sera en mesure de publier son livre de photos de cette façon. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que Stephen Shames, du haut de ses 64 ans, n’a jamais abandonné son regard tourné vers la modernité. Pour un journaliste du XXIe siècle, Bronx Boys est un roman sans réelle histoire. Pour celui du XXe siècle, c’est une vision contemporaine oubliée. Au choix.

Jonas Cuénin

Bronx Boys, chez Foto Evidence
265 pages, 20$

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