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Duane Michals, The man who invented himself

Nous sommes en 2009, direction le Sud de la France, Les rencontres d’Arles. Une grande rétrospective de Duane Michals est proposée cette année-là. Nous sommes curieuses de redécouvrir son travail qui s’étend sur presqu’un demi-siècle.

L’exposition se tient à l’Archevêché. Au-delà de la qualité des clichés choisis, il y a une ambiance toute particulière dans les salles. Le public est fasciné par les histoires de Duane Michals, ses séquences photographiques, ses mots, sa pensée. D’une photo à l’autre, en famille ou non, toute génération confondue, les visiteurs se laissent happer par l’univers poétique du photographe. Et nous suivons la vague, attirées, amusées, touchées. Jamais la visite d’une exposition n’a suscité autant de rires, de regards espiègles, une visite qui se conclut par la présence de Duane Michals saluant les spectateurs par un “Moonwalk” inattendu. Le soir, au théâtre antique, c’est le même engouement dans le public, les gradins sont pleins. On ne sait pas qui s’amuse le plus, Duane Michals ou ceux qui l’écoutent. Une chose est sûre, nous sommes convaincues de vouloir faire un film sur lui.

Le lendemain, nous le croisons par hasard dans la rue. On l’aborde sans se poser de question, comme si l’on rencontrait un ami de longue date… Ce sera une rencontre rapide, évidente, notre proposition de faire un film sur lui l’amuse d’emblée. Il nous griffonne sur une page arrachée, un nom et un numéro de téléphone en nous disant “Contact my gallery !” Quelques semaines et échanges de lettres plus tard, la galerie Pace Mac Gill de New York nous confirme l’accord et l’envie de Duane Michals.
Le début de l’aventure commence. Longue, très longue –cela fait deux ans et demi que nous sommes sur ce projet-, mais passionnante.

Dès le départ, nous avons souhaité produire un film au plus près de l’univers de Duane Michals. Il ne s’agissait pas de faire un portrait d’artiste, mais plutôt de s’immerger dans ses histoires et de faire découvrir au grand public un personnage proche d’un Buster Keaton contemporain, la parole en plus. Son énergie est stupéfiante, il est toujours prêt à développer des idées, des anecdotes, à nous entrainer dans son univers où l’humour côtoie le sérieux ; le désir, la mort ; le sexe, la mélancolie.

Pour restituer ses multiples facettes et canaliser sa formidable énergie, nous avons choisi le réalisateur Camille Guichard. Sa sensibilité, son humour et sa faculté à mettre en confiance, nous ont paru le plus à même pour révéler le travail et l’esprit de Duane Michals.

Les repérages à Pittsburgh et New-York nous le confirment. Duane et Camille sont immédiatement très à l’aise ensemble. Duane comprend que le film que lui propose Camille est ouvert à son imaginaire. C’est un film à construire ensemble. Une fois les décors choisis, les coups de téléphone entre Paris et New York ne cessent pas, l’un et l’autre très excités par le projet. Les séquences se dessinent d’un continent à l’autre. Duane débordant d’imagination propose sans se soucier de la structure du film. Camille accepte cette manière de travailler. A lui de mettre de l’ordre dans la multitude d’images que Duane propose. Et si les images ne vont pas ou ne correspondent pas au film que Camille souhaite faire, Duane ne s’en offusque pas. Il accepte ou propose autre chose.

Le premier tournage à Pittsburgh est émotionnellement très fort. Duane revient sur les traces de son enfance, sur sa relation avec sa mère, son père, ouvrier métallurgiste. Un couple où l’amour n’est pas au rendez-vous. Des blessures, des souvenirs heureux aussi avec sa grand-mère qui sans cesse l’encouragera : « Be a toughy tough ». Et surtout, clin d’oeil au passé, il endosse le rôle de Duane-Quichotte et attaque l’usine où travaillait son père. Il souhaite « délivrer » les grévistes qui, à la fin du 19ème siècle s’étaient faits violemment agresser par la police. Il y eut alors de nombreux morts. Duane demande de prendre Tanya, l’assistante du film comme Sancho-Tanya pour l’accompagner dans son combat. Camille accepte d’emblée. Travelling voiture : Duane et Tanya courent ensemble dans le champ qui mène à l’usine. Un travelling refait plusieurs fois, et même si Duane est à bout de souffle, il recommencera à chaque fois la prise. Le voir courir dans les herbes hautes, un bâton à la main, à l’assaut de l’usine est une image inoubliable.

Le soir même, l’équipe tourne une scène où Duane relit un texte. Enfant, il pensait qu’il y avait plusieurs lunes dans le ciel, une à chaque endroit où il se trouvait. Et ce soir là, miracle, c’est une lune rousse qui surplombe Pittsburgh, une belle lune ronde presque rouge. A la fin de son texte, Duane se met à hurler à la mort tel un loup. Les promeneurs s’arrêtent, surpris. Au loin, on entend l’écho de ses hurlements…

Nous regardons les rushes à Paris. Le ton est là, l’humour et l’émotion aussi. Nous réalisons un trailer pour montrer le film à venir et pour trouver des financements pour produire la suite. Nous voulons ce film, Duane aussi.

Des mois plus tard, de nouveaux repérages à New York et à Cambridge (Etat de New York) où Duane possède une magnifique maison de campagne. L’idée est d’ouvrir maintenant le film sur des thèmes qui lui sont chers : le sexe, le désir, le temps, la mort, l’homosexualité.

De nouveaux les coups de téléphone fusent d’un continent à l’autre, chaque semaine. Les scènes prennent forme, des personnages autres que Duane font leur apparition, des amis de Duane : l’importance d’être toujours dans le jeu, dans une histoire, dans une mise en scène. Le film prend sa dimension onirique, son écriture particulière où documentaire et fiction vont s’interpénétrer, se confondre.

New York devient le théâtre où va se jouer ces nouvelles rencontres. Les scènes inventées vont se mettre en place, se transformer au gré de l’humeur de Duane, des envies de Camille. Un jour la chemise que porte Duane ne convient pas. Rien de grave, Duane prend celle du chef opérateur en pleine rue. Le lendemain, il fera la même chose avec celle de Camille. Les voilà torses nus, hilares dans Soho. Et ça marche : Duane habillé différemment correspond au personnage inventé pour la scène. Même chose lorsque l’équipe se retrouve au dernier étage d’un building où Duane a fait un portrait de Joe d’Alessandro. Duane grimpe sur une échelle face à l’Empire State building et s’adresse aux new yorkais. Et soudain, il s’arrête: il lui faut des ailes d’ange comme dans sa séquence « Falling Angel ». Il connaît une boutique pas loin. L’idée séduit Camille. Duane est déjà parti à la recherche de ses ailes. L’équipe attend longtemps son retour, la lumière sur New York décline. Il faut se dépêcher. Finalement, Duane arrive avec ses ailes dans le dos et grimpe tout en haut de l’échelle. Met ses mains en porte voix : « Wake up, New York! ». C’est l’affiche du film …
D’autres anecdotes vont se succéder jour après jour, lieu après lieu. Un jour, il retrouve par hasard dans une boutique d’antiquités une série de photos des années 60 «Empty New York ». Il dialogue avec le propriétaire, un ami, comme si sa découverte était accidentelle alors qu’elle n’est que fiction. Et son interlocuteur joue le jeu, participe à l’étrangeté de la situation. La scène se fait en un seul plan séquence. Refait avec d’autres focales, Duane redit le texte pratiquement mot pour mot, comme s’il était un acteur. Et c’est dans cet espace de jeu, de mémoire, de sensations que l’émotion surgit. Camille va alors utiliser ce procédé sur d’autres scènes en filmant avec des focales et des angles différents comme si le texte était déjà écrit à l’avance.
Et puis c’est le départ pour Cambridge situé à quatre heures au nord de New York, l’équipe aura du mal à suivre Duane en voiture lancée à toute vitesse vers la suite du film…

A la campagne, Camille prend du temps pour filmer la nature, Duane et son compagnon Fred. Il veut que cette partie du film s’inscrive dans une autre temporalité. Il filme le jardin de Duane, ses fleurs, la campagne qui entoure la maison, les arbres et les murs en pierre comme en Ecosse. Duane revient un jour vers lui en lui proposant de dialoguer avec un canard empaillé. Ce sera sa façon de parler de l’influence de la peinture sur son travail de photographe. Même principe de plan séquence, même redite de textes, parfois avec des variantes voulues pour pouvoir monter le film différemment. Camille jubile, l’idée de la caméra stylo prend ici toute son ampleur.
Ensuite Duane souhaite faire des photos pour une exposition destinée à des animaux, et une autre séance de travail avec un homme qui décroche une étoile. Et puis aussi une scène autour du désir dans un hôtel abandonné. Tous ces lieux sont proches de chez lui. Duane ressemble à Méliès tournant dans son atelier et uniquement dans son atelier. Camille l’attire alors plus loin, vers des forêts et des ruisseaux afin d’ouvrir l’horizon, donner une respiration au film. Duane se laisse guider, il est dans la vie. Il prend un bâton et le lève en l’air devant une cascade. Il pense qu’il pourrait se mettre nu… mais la cascade est si près d’un chemin de passage que finalement il y renonce. Les idées vont et viennent avec Duane, il faut les attraper comme des papillons. Et si le papillon s’envole, il faut le laisser partir. C’est lui qui a raison…

Retour Paris. Et dix semaines de montage. Le film fait 1h30. On voudrait le projeter en salle. Mais l’argent manque pour le finir. Pourtant les premiers qui découvrent le film sont émerveillés, l’aventure doit continuer, coûte que coûte. Mais comment faire ?

La suite dans quelques mois…

Happy Birthday Duane !

Anne Morien, France Saint Léger
Productrices
Paris, Février 2012

Pour en savoir plus sur le film et visionner le teaser:
http://www.facebook.com/duanemichalslefilm

Site participatif : TousCoProd
http://www.touscoprod.com/
Tapez Duane Michals

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