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Ouverture de Paris Photo 2013

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Julien Frydman, « L’Homme-Orchestre » de la Photographie

C’est la vision de son père développant des photos baigné dans la lumière rouge de la salle de bain qui composera le premier souvenir photo-sensible de Julien Frydman, Directeur de Paris Photo depuis maintenant presque trois ans. Finiront ensuite d’affiner son regard les images de Zoom et de Life Magazine. Mais pour l’heure, ce sont des études de gestion à la faculté de Paris-Dauphine qui l’accaparent et qu’il accomplit en « bon soldat » jusqu’en 1992 ; un diplôme de Magistère en poche. Pourtant, son désir était tout autre : « J’ai toujours eu envie, dit-il,  de faire quelque chose lié au contenu, au sens, à l’esthétique, et de questionner ma propre sensibilité ». En 1993, il intègre le cabinet du Ministère de La Culture et de l’Education Nationale. Jack Lang lui confie le développement des nouvelles technologies et des nouveaux médias.

Dès 1994, il devient producteur indépendant multimédia et réalise de nombreux CD-Rom, notamment pour l’UNESCO, la Réunion des Musées Nationaux, la Fondation Maeght et Canal +. « A l’époque, c’était les tout débuts du multimédia. Les CD-Rom étaient des outils novateurs. Vous imaginez ? Internet n’existait même pas ! J’avais l’impression d’être un représentant qui venait faire du porte-à-porte pour un objet qui n’était encore qu’une projection du futur ».

En 1998, c’est TBWA qui  le recrute. D’abord en tant que Directeur Consultant, puis, comme Directeur de Création à la tête du développement multimédia et stratégie pour une marque importante d’une filiale interactive de l’agence. Outre la création et la supervision pendant deux ans entre Paris et Hong-Kong  d’une série animée pour enfants – la Chine ne fait alors pas encore partie de l’Organisation Mondiale du Commerce – il élabore des stratégies digitales pour de nombreux grands comptes.

« J’ai souvent travaillé dans des environnements multi-projets. Et de ce point de vue là, Magnum me permettait d’être en renouvellement permanent : trouver des idées neuves pour les 80 photographes de l’agence, passer d’une opportunité à une autre, d’un projet d’exposition, d’un musée, ou encore d’une commande presse à une autre … ». En 2002, c’est en tant que responsable de l’activité corporate et des partenariats qu’il intègre l’agence mythique d’Henri Cartier-Bresson et de Robert Capa. Quatre ans plus tard, il en assure la direction. Ses grands chantiers furent la création et la diffusion de pas moins de 100 expositions par an, l’opération «La France de Raymond Depardon» qui requit au total cinq ans de production, la création de Fashion Magazine, un « vrai-faux » magazine co-réalisé chaque année avec un photographe-invité (Martin Parr, Alec Soth, Bruce Gilden et Lise Sarfati, pour ne citer qu’eux). Mais aussi les 60 ans de la maison, la création de la galerie Magnum et le projet d’une fondation éponyme.

Si Julien Frydman aura permis à l’agence de valoriser sa marque et son savoir-faire transversal au delà du talent de ses photographes, ce qu’il retient personnellement de cette expérience, ce sont ces auteurs qui essaient de maintenir une harmonie et une exigence absolues dans leur travail. Cette intégrité inflexible. « C’est essentiel, précise-t-il,  quand on travaille avec des artistes de pouvoir ressentir que les choix qu’ils font sont en adéquation totale avec ce qu’ils souhaitent dire ou raconter. Même si ça n’est pas  toujours évident lorsque l’on se trouve de l’autre côté … » (Il sourit).

Vu d’ici, nous pourrions croire de cet homme qu’il a toujours eu un train d’avance sur son temps. Lorsque l’on le lui demande, il avoue volontiers que sa compréhension du monde de l’entreprise et de ses stratégies participe du succès de sa mission en tant que dirigeant de foire. « Vous savez comme moi que le sponsoring est un élément essentiel dans l’équilibre d’une opération comme Paris Photo. Comprendre, être à l’aise dans le dialogue avec les marques, à savoir proposer des idées attractives pour elles mais qui aillent dans le sens du projet artistique du salon ; c’est ce qui fait la différence. Jusqu’à présent, j’ai réussi à travailler de concert avec les partenaires sans qu’il n’y ait jamais d’interférences ».

Mais pour cet entrepreneur, ce challengeur né, le risque fait sans conteste partie du jeu. eUn jeu qui n’exclut ni l’inconnu, ni la nouveauté, bien au contraire. L’important selon lui ce sont les leviers d’action. « Quitte à accepter un poste, si l’on en a la possibilité, autant le choisir parce qu’il y a un champ d’action possible ». C’est en partie pour cette raison qu’il répond favorablement à l’invitation de Reed Expositions. En effet, cet été déjà, Julien Frydman nous affirmait avoir été séduit, principalement en raison du déménagement de la foire au Grand Palais, sans quoi, il lui paraissait difficile d’être force de proposition.

Mais passé ces considérations, l’homme se révèle plus contrasté. Lorsqu’on lui rappelle avoir déclaré lors d’une interview « être davantage une homme d’affaire qu’un commissaire d’exposition », il s’étonne : «  J’ai dit cela ? Je suis vraiment plein d’ambigüité ! ».  Car la contradiction habite cette personnalité duelle où se conjugue le temps court de l’action à celui, plus long, de la réflexion, celui de l’intention purement entrepreneuriale à celui du cheminement intellectuel. « Je suis fait de cela. C’est cette tension, dit-il, qui s’exerce en permanence chez moi ». Multiplier les projets, à condition qu’ils s’inscrivent dans la durée et qu’ils ne demeurent pas uniquement des « one shot », voilà ce qui motive son ambition.

Quand on lui fait remarquer la forte volonté de décloisonnement qui se dégage de son discours, Julien Frydman nous parle d’un constat, celui fait à son arrivée, d’une faible représentation dans le paysage photographique de certains de ses acteurs. Utilisant le médium photographique de façon, somme toute, moins conventionnelle, ces derniers s’en sont vite sentis exclus. « Comment parler des différents visages de la photographie aujourd’hui si l’on ne peut pas les montrer ? » interroge-t-il. Selon lui, il faut construire des ponts, sortir des figures tutélaires qui ont prédominé jusqu’alors, sans pour autant les rejeter. Pour lui, la photo est un champ jeune et il est par conséquent plus que nécessaire pour la première foire de photographie au monde d’être représentative de cette énergie créative. « Pour moi, la grande fierté, c’est peut être de constater que l’on est parvenu à sortir de ce paradigme et à réinscrire la discipline dans l’histoire de l’art, là où il y avait une petite tendance à garder cela entre gens du sérail uniquement. ». Après avoir accordé une place plus représentative au livre photo au sein de la foire, il est convenu que Paris Photo – Los Angeles, qui fêtera son premier anniversaire au printemps prochain, fera la part belle à l’image en mouvement.

Tisser des liens, être attentif à l’émergence des nouvelles écritures, des nouveaux langages de l’image, faire dialoguer les différentes familles qui composent la photographie contemporaine, voilà le dessein de cet « homme-orchestre ». C’est tout du moins ainsi qu’il définit son rôle. Un travail d’équipe essentiellement, sans lequel rien ne serait possible. Touche-à-tout, plurivalent, il a parfois l’impression de se voir pousser des bras et, passant d’un aspect à un autre, de parvenir à un équilibre qui, in fine, permette de mettre tout cela en musique et de faire sens.

Alors que François Hébel, directeur des Rencontres d’Arles, vient tout juste d’annoncer son départ, Julien Frydman nous dit, quelques jours auparavant, ne pas rêver à autre chose pour le moment. En tant qu’ancien consultant pour la Fondation Luma, il a tout de même sa petite idée sur la ville d’Arles et ses projets futurs. Conscients de certains paramètres difficiles à concilier, il croit en cette énergie décentralisée, dans une ville historique d’une grande efflorescence qui ne peut que se renouveler à travers la pluralité de ses propositions culturelles.

Curieux, il voudrait connaître tous les artistes exposés à Paris Photo mais se dit aussi discret et réservé. Pour lui, la photographie est un médium dans sa plus grande diversité, d’une richesse infinie qu’on ne lui a pas forcément concédée au départ. Cultivant une certaine affection pour la photographie d’auteur et engagée, Julien Frydman est un passionné qui, quelque soit l’Histoire, voulait de toute évidence la partager.

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