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Berlin : Fred Stein

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Fred Stein (Dresde, Allemagne, 1909 – New York, 1967) est un photographe méconnu. Il a pourtant photographié le « Who is who » du vingtième siècle et réalisé des très nombreuses photographies dans les villes de son exil : Paris et New-York. Sa relativement faible notoriété s’expliquerait notamment par le fait qu’il soit décédé avant la vague d’intérêt pour la photographie qui a surgi dans les années 1970.
 
Son fils, Peter Stein, a travaillé au classement et à la valorisation de ses archives depuis quinze ans et une rétrospective est aujourd’hui présentée en Europe au Musée juif de Berlin (bijou architectural de Daniel Libeskind).

Fred Stein était fils de rabbin, militant socialiste et antifasciste. Il terminait ses études de droit en Allemagne quand qu’Adolf Hitler accédait au pouvoir en 1933. Sa thèse de doctorat fut alors rejetée et il fut interdit d’exercer son métier pour des raisons raciales et politiques. Prétextant une lune de miel, il quitte alors l’Allemagne nazie pour Paris avec sa jeune épouse Lilo. Dans leurs bagages se trouve leur récent cadeau de mariage : un appareil Leica. A Paris, Fred Stein décide de transformer son hobby pour la photographie en profession ; pour être avocat il aurait du suivre un nouveau cursus et résider en France depuis dix ans.

Les Stein évoluent dans le milieu des réfugiés politiques européens et se rapprochent de nombreux intellectuels et artistes qu’ils accueillent parfois dans leur appartement de Montmartre. Au détour de discussions politiques, Fred Stein tire le portrait d’amis ou de personnalités qu’il avait la chance de rencontrer (parmi eux Robert Capa, Gerda Taro, Willy Brandt, André Malraux).
Il ouvrit son premier studio en 1934 et participa à partir de 1935 à des expositions de groupe dans des galeries parisiennes aux côtés de Man Ray, André Kertész, Ilse Bing et Dora Maar.

Fred Stein parcourt la ville et photographie les habitants de Paris. Toujours très engagé politiquement, il dépeint les différentes classes professionnelles et sociales et couvre toute la période du Front Populaire. Ses photographies les plus politiques qu’il a réalisées en France ont cependant été envoyées aux Pays-Bas quand il parti aux Etats-Unis et elles furent détruites pendant des bombardements.

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata, le photographe fut considéré comme un « étranger ennemi » et détenu dans des camps entre 1939 et 1941. En 1941 il aura la possibilité de s’enfuir au sud vers la France libre et rejoindra Toulouse.
Quelques mois plus tard, il eu la possibilité inespérée d’embarquer avec sa famille à Marseille sur un bateau vers les Etats-Unis – grâce à Varian Fry, journaliste américain envoyé en mission en France en 1940 par le Emergency Rescue Committee.
Installé à New-York, il continua à photographier activement avec un Rolleiflex en plus de son Leica. Il obtint la nationalité américaine en 1952 et ne revint que très épisodiquement dans son pays natal à partir de 1958.

L’exposition rétrospective au Musée juif de Berlin présente 130 photographies noir et blanc faisant partie de trois ensembles : portraits, scènes de rues de Paris et de New-York.

Fred Stein réalisa 1 200 portraits entre les années 1930 et 1960. Ses photographies ne sont pas mises en scène. Il utilise généralement la lumière naturelle et cherche avant tout l’authenticité en voulant « rencontrer » ses modèles. Il aimait en effet se présenter en disant « Je suis Fred Stein, photographe, de gauche (…) et j’aimerais vous parler ». La séance pouvait alors se transformer en débat de deux heures avec seulement dix minutes de prise de vue. Les personnages ont souvent le regard ailleurs, ne fixant pas frontalement le photographe, n’attendant pas le déclencheur.
Le portrait le plus connu est certainement celui d’Albert Einstein pris en 1946 à Princeton, mais c’est un catalogue impressionnant de personnalités que photographia Fred Stein dans sa carrière.

En parallèle de la visite de l’exposition, il est intéressant de lire les essais du catalogue (Kehrer Verlag, 2013) qui se penchent avec des angles variés sur la vie de Fred Stein et sur l’ensemble de son travail photographique. Gilles Mora, conservateur français spécialiste de la photographie américaine moderne, analyse l’esthétique de Fred Stein au regard de ses contemporains, beaucoup plus célèbres : “Chim”, Robert Capa, André Kertész, Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Willy Ronis, Brassaï, Lucien Hervé.
Il insiste aussi sur un autre pan de son travail, peu connu : la photographie d’architecture. Fred Stein a remarquablement photographié des bâtiments de Le Corbusier et Robert Mallet-Stevens notamment ; des images qui montrent l’influence que le Bauhaus exerça sur lui.

On déplorera dans cette exposition la faible qualité des tirages (tirages jet d’encre réalisés pour l’occasion). Certaines images perdent des zones complètes de détails, a priori par un mauvais traitement des fichiers scannés. Aussi on imagine que le choix d’avoir constitué une exposition de tirages récents est dû à la disparition d’une partie des archives du photographe au cours de sa vie ; il aurait cependant été merveilleux d’accéder à plus de planches contacts, publications et tirages vintage…

Exposition
« Fred Stein, Im Augenblick »
Du 22 novembre 2013 au 23 mars 2014
Jüdisches Museum Berlin
Lindenstraße 9-14
10969 Berlin
Allemagne

http://www.jmberlin.de

Catalogue
« Fred Stein, PARIS NEW YORK »

Auteurs: Cilly Kugelmann, Gilles Mora, Rosemary Sullivan, Theresia Ziehe
Linen
24 x 31 cm, 200 pages, 128 photographies. 

Allemand / Anglais

ISBN 978-3-86828-429-4 

49,90€
Kehrer Verlag 2013
http://www.artbooksheidelberg.de

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