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Jean-François Leroy

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En exergue de la présentation du programme du festival Visa pour l’Image, Jean-François Leroy a écrit ce remarquable texte malheureusement trop vrai.

Il y a quelques jours, j’ai dîné avec un photographe que je connais depuis une trentaine d’années. Un de ces photographes qui a tout fait dans sa carrière. Plusieurs conflits, d’énormes prises de risques, avec beaucoup de talent, mais également tout ce qu’on lui a demandé : mode, politique, tapis rouges, illustrations diverses.
Sans compter quelques très beaux sujets magazines. En un mot, un poids lourd du métier.
Il a travaillé pendant 30 ans, jusqu’au jour où, comme tant d’autres, il a été remercié.
Crise des agences, raréfaction des commandes. Un triste refrain auquel on a dû s’habituer, année après année…
Bref, notre ami comptait, à juste titre, sur une exploitation raisonnable de ses archives.
Quelle naïveté ! C’était compter sans une pratique de plus en plus répandue : le forfait. Pour ceux qui l’ignorent, cela consiste en des formules d’abonnements afin de répondre à une demande souvent pressante des journaux et groupes de presse.
« Tu prends 10, 15 ou 20 photos par jour, et nous, on te facture au forfait. 1 000, 2 000 ou 5 000 euros par mois. »
Finalement, notre professionnel chevronné reçoit son relevé de compte pour le mois dernier. Montant dû ? Moins de… 195 euros !
Un news magazine publie une photo des printemps arabes pour 0,58 euro.
Une photo de la chute du mur de Berlin ? 0,88 euro. Et tout à l’avenant !
Le photographe est furieux ! On le serait à moins… Il lâche : « Tu vois, mes photos valent moins qu’un préservatif. »
J’aurais aimé que cette histoire ne soit qu’un cauchemar. J’aurais pu la raconter en riant. Hélas, c’est une histoire vraie. Et malheureusement très courante.
À force de vouloir vendre la photo au kilo, on va finir par la tuer ! Si 25 ans d’archives ne valent même plus 200 euros par mois, cette profession est vraiment mal barrée.
Il serait temps que tous les acteurs, producteurs, diffuseurs et acheteurs de photos de qualité réalisent qu’en accédant aux demandes les plus extravagantes de leurs financiers, ils sont en train d’enterrer ce métier.
Sans production aujourd’hui, de quoi seront faites les archives de demain ?

 

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