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Clément Beraud

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Cette semaine à la Rédaction, nous avons beaucoup aimé ce portfolio de Clément Beraud. Il l’a accompagné de ce texte:

A l’aube des commémorations du centenaire de la Grande Guerre, je vous présente mon travail photographique Oscar. Inspiré par les cartes postales envoyées par mon arrière-grand-oncle, soldat pendant la guerre de 14-18, je suis parti sur ses traces. Le projet qui en résulte réunit photographies, prises l’année dernière, des lieux où il a combattu, reproductions de ses archives et cartes topographiques des tranchées. 

Décembre 2012, je découvre une trentaine de cartes postales d’un autre temps. Elles ont été écrites par Oscar, mon arrière-grand-oncle, alors qu’il combattait pendant la guerre de 14-18 et qu’il envoyait à sa sœur, mon arrière-grand-mère. Il y relate son ennui, son inquiétude et sa vie dans les tranchées, celle d’un poilu ordinaire qui parle de choses ordinaires dans une situation extraordinaire.

Oscar avait 19 ans — pas encore la vingtaine — quand il a été appelé sous les drapeaux. L’ennemi s’est rendu aux portes de Paris avant de se replier dans l’Aisne. La France a besoin de plus de soldats. La classe de 1915 est mobilisée plus tôt que prévu. Le 19 décembre 1914, Oscar quitte sa famille à Valenton (actuel Val-de-Marne) et s’apprête à connaître l’enfer des tranchées. Il rentre au 10e bataillon de chasseurs à pied, caserne à Langres et, comme beaucoup de soldats, fera l’Artois, la Somme, Verdun…

Oscar décède en 1970, bien après la Grande Guerre. Mais, il est resté marqué: une plaie au crâne, une blessure au bras gauche, un doigt en moins et l’esprit traumatisé. Oscar n’en parlera plus jamais.

« La Grande Guerre nous a tous tués, si ce n’était physiquement ce le fut moralement. »

Quatre générations — 100 ans — nous séparent. J’ai 26 ans. Mes pairs n’ont jamais connu la guerre. Depuis la mort du dernier poilu il y a cinq ans, 14-18 sonne maintenant comme une période ancienne, classée dans la boîte monarchie, révolution française, guerres napoléoniennes. Et pourtant, comprendre comment et pourquoi cette guerre s’est produite permet de saisir les événements qui en découlent ainsi que notre époque.

Pour comprendre, je suis retourné sur les lieux où Oscar s’est battu, sur les endroits de France qui, il y a cent ans, ont été le centre de l’attention du monde. J’ai vu les champs qui étaient, autrefois, des no man’s land, senti l’esprit des tranchées, « l’enfer sur terre ».

Dans ces champs et forêts il y avait des tranchées, des boyaux, des postes de commandement… Photographié aujourd’hui en argentique au format 4,5×6, ces paysages, qui ont repris leurs fonctions originelles, évoquent la gravité du lieu. Pour conjurer la mémoire, plutôt que de photographier monuments aux morts, sépultures, mémoriaux, et autres traces « visibles » de notre histoire, j’ai cherché à restituer aux lieux « communs » leur identité passée en intitulant chaque photo par le nom de la tranchée qui la traverse et les coordonnées géographiques, des séquences de chiffres qui ne sont pas sans rappeler les matricules des soldats.

Mes images s’accompagnent des archives de mon ancêtre. L’ensemble honore mon héritage personnel tout en s’inscrivant dans la question du devoir de mémoire collective.

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