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L’Équateur à travers les yeux de Blomberg

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C’est en Equateur, pays qui fait la moitié de la taille de la France, que Rolf Blomberg expérimente la synthèse de ce qu’il a vu et vécu dans d’autres pays contrastés comme l’Australie, le Brésil, l’Egypte, l’Indochine, le Kenya, le Pérou, la Turquie… 

Né en Suède en 1912, décédé en 1996 à Quito, Blomberg aura consacré sa vie aux voyages et à la volonté de faire connaître l’Equateur à travers la photographie, l’écriture et le cinéma documentaire. 

Agé de 22 ans Blomberg décide d’aller en Equateur alors qu’il travaille dans un musée de sciences naturelles en Suède. Avide de nature et à la recherche de nouvelles espèces, il arrive aux îles Galápagos en 1934, afin d’observer de près les tortues géantes Galápagos ainsi que d’autres espèces endémiques. Suite à cette expérience, Blomberg revient en Equateur à plusieurs reprises aussi bien pour développer ses compétences professionnelles qu’à cause du lien affectif qu’il crée avec le pays, étant donné que deux femmes équatoriennes feront partie de sa vie. L’Equateur devient donc son pays de prédilection. En tant que naturaliste, Blomberg découvre plusieurs nouvelles espèces, dont la plus étonnante est un crapaud qui mesure entre 25 et 30 centimètres, qui a été appelé “bufo blombery” (aujourd’hui espèce en voie de disparition) en son honneur. Muni d’un appareil Hasselblad  offert  par Victor Hasselblad lui-même, il réalise une énorme production photographique afin de montrer à l’étranger, mais surtout en Suède la grande biodiversité équatorienne.

Pour Blomberg l’Equateur est un pays vierge, très exotique, qui le fascine par la diversité de ses paysages, de ses écosystèmes et de ses ethnies. Il parcourt les îles, les forêts tropicales, les Andes, le Pacifique, car tout ce qui représente la vie et le mouvement l’intéresse. Cette richesse naturelle et le fait de pouvoir rentrer dans la vie des gens le séduisent. Blomberg photographie l’Equateur des années 50, 60 et 70, sans le regard colonisateur de l’étranger “gringo” [1] qui est à la recherche d’images insolites tout en faisant des shooting froids et forcés.  Au contraire, Blomberg vit avec les communautés ; il partage non seulement les manifestations de leur folklore (fêtes, cérémonies, rituels …), mais également leur quotidien. Dans sa photographie prime le matériel ethnographique qui contribue  à la mémoire et à l’identité d’un pays, mais on retrouve également un côté très humain, plein d’énergie. On sent à travers ses images que Blomberg ne dérange pas les sujets photographiés ; ils sont plutôt détendus, curieux et certainement en admiration face à cet explorateur/photographe qui s’intéresse à eux. Il photographie avant tout des paysages urbains, mais quand il se trouve dans des zones rurales, il privilégie le contact avec les habitants, par ses portraits, les scènes de la vie courantes.

En regardant les photos de Blomberg dans les archives [2] qui portent son nom à Quito (Equateur), on sent que son principal souci n’était pas faire des photographies artistiques, mais qu’il voulait aller plus loin. Il aura pensé aux générations futures en laissant des milliers d’images, ses trente-six films documentaires, ses carnets de voyages, dessins, articles de revue et plus de vingt livres édités à l’étranger.  De plus, son œil et son esprit lui confèrent une grande capacité pour rendre les images belles, avec un sens esthétique fort. Il marque sans aucun doute la mémoire de générations de photographes équatoriens et représente une source d’inspiration pour les explorateurs et les anthropologues, les incitant aux voyages et aux recherches, au même titre que Pierre Verger pour Salvador de Bahia au Brésil.

Dans les photos de R. Blomberg, on retrouve un langage très spontané, notamment dans ses portraits. Ses sujets affichent une complicité avec les animaux qui les entourent, ceux qui posent pour ses photos le font avec humilité. II capte le moment juste du regard et du geste de la petite fille indigène de l’Amazonie qui se montre surprise par un objet hors cadre, en restant très calme avec son singe qui semble faire partie de sa tête. Ou encore la fille qu’hypnotise une araignée par son regard et tenue par un fil — on se demande comment elle a fait pour l’attraper. Ou le portrait de la jeune fille tsáchila [3] avec son regard perdu, profond, en train d’accomplir un rituel magique.

Sans doute a-t-il fait rêver puis voyager  ses compatriotes suédois pour montrer un lieu éloigné comme l’Equateur. Aujourd’hui, grâce à lui et à la gestion de l’archive Blomberg, on peut revivre et apprécier des moments uniques. Ses photographies sont devenues des documents historiques et artistiques qui contribuent à la mémoire collective d’un pays. Rolf Blomberg invite à l’émerveillement d’un pays, d’une culture, et à prendre conscience de l’importance de garder les traditions et préserver notre environnement. A propos du travail et de la vie de Rolf Blomberg, il y a quelques semaines un film documentaire a été présenté en Amérique Latine, Le secret de la lumière. [4]  
 

Krupskaia Quevedo
Quito, août 2014

[1]Terme qu’on emploie en Amérique Latine d’une façon péjorative pour désigner les personnes d’une langue étrangère anglaise qui ne comprennent pas la culture hispano-américaine.

[2]La fondation Archive Blomberg débute en novembre 2000. Ses objectifs : préserver, organiser, rechercher et promouvoir le patrimoine culturel de l’explorateur Rolf Blomberg et sa femme Araceli Gilbert (1913 – 1993), peintre équatorienne.  

[3]Les indiens tsáchilas, aussi appelé colorés, habitent dans la province de Santo Domingo, Equateur. Leur langue est le tsáfiqui, qui veut dire “mot véritable”.

[4]BARRIGA Rafael, ORTEGA Mayfe, Le secret de la lumière, 2014.

 

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