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Paris : Andres Serrano à la Galerie rueVisconti

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À l’occasion de la sortie du catalogue consacré à Andres Serrano, aux Éditions de l’Amateur/Collection Lambert, la galerie rueVisconti présente 17 photographies de l’artiste, prises entre 1987 et 2012, illustrant ses grandes séries comme Bodily Fluids, The Morgue, America, Comédie française ou Cuba, jusqu’au 31 juillet 2015.

Comédie Française – En 2007, la Collection Lambert proposa au photographe de commencer une grande commande publique autour de la Comédie    Française : afin de renouer avec une tradition perdue depuis un demi-siècle consistant à portraiturer les sociétaires du théâtre de Molière – comme l’avaient fait en leur temps Nicolas Mignard, Eugène Delacroix, Nicolas de Largillière, et, plus près de nous, Nadar ou le Studio Harcourt – Andres Serrano a réalisé une série de portraits de nos acteurs, d’Éric Ruf devenu directeur à Catherine Hiegel, de Denis Podalydès à Michel Robin, de Michel Vuillermoz à Martine Chevalier, de Catherine Samie à Guillaume Gallienne, connus de tous aujourd’hui.

Cuba – Après la mort de sa mère, Andres Serrano éprouve la nécessité impérieuse de retourner sur les traces de son passé. Il réalise une série à Cuba, et revisite ses origines de descendant d’esclaves venus d’Afrique par le biais du commerce triangulaire.

The Church – En 1991, Andres Serrano entreprend la série la plus apaisée et la plus picturale de son œuvre. The Church propose un regard très spécifique sur des personnalités religieuses souvent anonymes, des nonnes, des prêtres, et des détails d’églises ou d’objets de rituels que Serrano présente comme personne ne l’avait fait auparavant. Là, plus que nulle part ailleurs, les références à l’art ancien sont évidentes, on pense à des moines peints par Zurbarán, des saintes représentées par Caravage ou Rembrandt.
Mais ces références sont en même temps toutes dépassées par des cadrages si originaux, des fonds monochromes, des compositions resserrées qui n’appartiennent qu’à l’artiste. Serrano atteint avec ces images une adéquation visuelle parfaite entre la quête personnelle et la paix intérieure, le calme de l’introspection spirituelle et toutes ces expériences vécues dans des lieux propices à ce recueillement volontaire.

The Morgue – La série consacrée à la morgue a fait date dans l’histoire de l’art. Reprenant la tradition des esquisses clandestines de Léonard de Vinci ou des peintures hallucinantes de Rembrandt, telle La Leçon d’anatomie, Andres Serrano enfreint un interdit en s’enfermant dans les morgues de New York, après la fermeture des lieux.
On se souvient de Léonard de Vinci qui, la nuit tombée, partait avec un assistant déterrer des corps fraîchement mis en bière pour les cacher dans son atelier, en sonder les entrailles, les scruter et les représenter de l’intérieur. Plusieurs siècles ont passé et Serrano, cette fois-ci, se cache la nuit dans les salles d’une morgue. En quelques minutes, il ouvre les tiroirs où les cadavres ont été conditionnés et autopsiés, il retire la glissière de la combinaison de plastique et photographie la mort en face.
Les esthètes et autres connaisseurs en histoire de l’art peuvent se raccrocher à de grands classiques de la peinture, Holbein, Goya, Géricault, Picasso, Francis Bacon, ou à quelques crucifixions et autres dépositions vues et revues dans les églises pour assumer du regard ces images violentes. Mais Serrano ne donne ici à voir que la mort contem- poraine, horriblement ordinaire et vulgairement
banalisée par les médiocres séries télévisées d’experts en analyses post-mortem. Suicide, empoisonnement, accident de voiture, meurtre sordide, il s’agit toujours d’un sombre constat tragique de notre condition humaine dans une société de plus en plus anonyme et ultra-violente, qui assume de moins en moins le fait de mourir chez soi plutôt qu’à l’hôpital, donc se déconnecte du réel.

«[…] l’émotion qui, progressivement, se dégage de l’impersonnalité apparente du cliché, alors que, devant des corps anonymes morts, entreposés dans une quelconque morgue de grande ville, nous sommes face à l’humilité même et à la déréliction, c’est le sentiment d’une extraordinaire dignité. Or, c’est par l’art que cette dignité est acquise, par la photographie et son emploi maîtrisé, par ses couleurs (parfois son coloris), par sa lumière et ses cadrages, par le rapport entre la figure et le fond, etc. Loin d’être un support d’indiscrétion, les photographies de Serrano font venir, pourvu que vous laissiez se déposer le choc initial qu’elles ont suscité, un profond et bouleversant respect pour ces anonymes dont une chambre froide aura été l’ultime domicile.
Progressivement, vous admettrez que, si ces images sont intimes, elles ne sont pas indiscrètes.»
Daniel Arasse

America – Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, Andres Serrano, présent à Manhattan, non loin des Twin Towers qui s’effondrent sous ses yeux, propose à un pompier, héros anonyme du jour, de poser dans son studio.
S’y ajouteront dans les mois qui suivent cent visages qui composent l’Amérique.

Bodily Fluids – Dans cette série des Fluids, tel un alchimiste ou un sacristain impertinent, Andres Serrano reprend les bréviaires enluminés et sacrés du Moyen Âge qui évoquent la transmutation de l’eau bénite en vin de messe, puis la transmutation du vin de messe en sang du Christ : il sait qu’il touche là à une image symbolique qui dépasse la simple préoccupation religieuse. L’artiste questionne le principe fondateur du dogme de l’Incarnation. Il associe, mélange, distille les « humeurs » du corps humain, ces liquides corporels les plus humbles ou les plus repoussants. Ce sont souvent des fluides dont on cache aujourd’hui la présence – le sang, la bave, la bile, l’urine, le sperme, la morve, les larmes –, présence gênante surtout depuis que le nouveau virus infernal du sida les a rendus encore plus terrorisants au milieu des années quatre-vingt.

Andres Serrano, né le 15 août 1950 à New York, fait ses études d’art à la Brooklyn Museum Art School de New York de 1967 à 1969, mais décide très vite de transporter un appareil photo plutôt que des pinceaux, des toiles et des châssis : « J’utilise la photographie comme un peintre utilise sa toile ».
Depuis le milieu des années quatre-vingt (sa première exposition personnelle a eu lieu en 1985), Andres Serrano réalise des photographies qui traitent essentiellement des problèmes sociaux, du sexe, de la mort et de la religion.
Quelques œuvres de Serrano ont suscité des réactions de rejet, notamment dans les milieux catholiques et d’extrême droite.
Il vit et travaille à Brooklyn, New York.

EXPOSITION
Photographies d’Andres Serrano
Du 22 mai au 31 juillet 2015
du mardi au samedi, de 14h-19h
Galerie RueVisconti
17-19, rue Visconti
75006 Paris
www.ruevisconti-editions.com

LIVRE
Ainsi soit-il
Photogrpahies d’Andres Serrano
Textes (français/anglais)
Daniel Arasse, Éric de Chassey et Éric Mézil
22x28cm
192 pages
Reliure cartonnée plus de 150 illustrations
35 euros

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