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Prix HSBC pour la Photographie 2016 : Interview de Marta Zgierska

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La 21ème édition du Prix HSBC pour la Photographie, dont la conseillère artistique est Diane Dufour, est remportée par Marta Zgierska et Christian Vium. Marta est une jeune photographe polonaise de moins de trente ans. Pour concourir, elle a présenté sa série Post, réalisée à la suite d’un grave accident de la route survenu en 2013.
L’Oeil de la Photographie a interrogé l’artiste à la suite de sa nomination et vous dévoile une sélection de son travail.

L’Oeil de la Photographie : Vous venez de remporter la 21ème édition du Prix HSBC pour la Photographie. Quelle a été votre réaction à cette annonce ? Qu’attendez-vous de ce Prix en tant que jeune lauréate ?

Marta Zgierska : J’ai reçu le coup de fil à un moment assez particulier, j’étais dans un café et il venait tout juste d’y avoir une coupure de courant. C’est dans l’obscurité et le silence absolu que j’ai entendu les félicitations, et tout ce que j’ai compris de la conversation, c’est que j’étais invitée à Paris pour la conférence de presse le 9 février. Depuis lors, une sempiternelle inquiétude m’habite, est-ce que je suis vraiment lauréate ? L’idée que je puisse être simplement nominée revient sans cesse, et j’ai essayé d’infirmer chaque élément qui montrait que je suis un des deux lauréats. Au bout du compte, j’ai fini par réaliser, peut-être dans une sorte d’incrédulité de mes propres capacités.

Gagner le Prix HSBC pour la Photographie est pour moi un grand événement, une grande chance. Je suis par dessus tout très heureuse, et très incertaine. Si c’est vrai – je pense que ce prix est pour moi la preuve que ça vaut le coup de se consacrer à ce qui compte vraiment pour soi. La preuve que si tu fais des efforts, que tu surmontes ton découragement, alors l’énergie et la foi que tu mets dans ce que tu fais rebondissent vers toi.

ODLP : Le Prix HSBC pour la Photographie récompense votre travail « Post ». Cette série est née des suites d’un grave accident de voiture que vous avez subit en 2013. Pouvez-vous nous décrire comment vous avez abordé ce travail ? La réalisation de « Post », comme thérapie, vous a t-elle aidé à panser les blessures de ce traumatisme à la fois physique et moral ?

MZ : « Post » n’est pas une thérapie pour moi. Il ne remplit pas de fonctions thérapeutiques. Je sais que c’est une question qu’on va me poser très souvent pour ce projet. Or pour moi c’est une nécessité naturelle d’exprimer ce qui est vraiment important pour un créateur, son environnement,  les éléments dont il se sert pour créer. L’art est le résultat de nos expériences, de nos réflexions, de nos observations. Mes expériences sont le matériau à partir duquel je travaille.

On voit tout cela dans « Post ». Le cycle s’appuie d’une part sur la survie et l’expérience, souvent traumatique, et d’autre part, sur la réflexion sur la mémoire, à la fois expérience post-traumatique et convergence entre le caractère même du medium photographique et la structure du trauma. C’est donc une histoire qui naît d’expériences personnelles, une histoire de névrose et d’accident, mais surtout une histoire plus universelle, sur la  peur et la confrontation avec la réalité.

Un des principes de base de « Post » est qu’il peut y avoir un morceau de toi dans un autre être humain. Et dans le cas du trauma, on peut prendre l’exemple des jumeaux, qui malgré leur unicité, leur spécificité d’individu, peuvent partager une même marque de naissance. C’est pour cela que parfois, une image simple, abstraite, peut provoquer les mêmes associations chez différentes personnes, comme un retour à l’innocence. Les réflexions qui accompagnent les photographies sont les résultats de mon étude du trauma et de la photographie post-traumatique, surtout sous l’angle de la relation du regardant et de l’image.

On m’a reproché un jour que les images de « Post » sont trop formellement pures, trop travaillées. Mais je sais maintenant, après plusieurs mois de travail, que c’est ainsi qu’elles doivent être. Parce que ce n’est pas une tentative de surmonter mes faiblesses, de dépasser mes limites, ni une tentative d’émancipation, mais justement la représentation d’un état, comment les choses m’enserrent, m’entravent. C’est une ascèse visuelle. En polonais, « Post » ne signifie pas seulement « après »,  mais surtout « le jeûne, l’ascèse ». C’est pour cela que son esthétique grise, froide, terne, est donc aussi la plus expressive. Je pense que ce jeu sémantique entre le fond et la forme est ici particulièrement riche.

ODLP : Le Prix HSBC pour la Photographie vous promet une année 2016 chargée en actualité avec des expositions itinérantes et la publication d’une monographie, comment appréhendez vous cela ?

MZ : Je pense qu’un prix de l’importance du Prix HSBC pour la Photographie sera, ne serait ce que pour moi-même, la légitimation de ma création. Une telle distinction stimule, et donne de l’énergie pour continuer de travailler, et toutes les possibilités qui me sont offertes par les organisateurs du concours permettent de changer ma propre perception de soi, de tout simplement agir pleinement et professionnellement, sans considérations triviales et limitantes comme les contacts ou les finances. Ce sera une année pleine de travail et d’impulsion. Il y aura sûrement beaucoup de stress, et il faudra se mesurer à ses propres capacités relationnelles. C’est un énorme défi pour moi, mais j’ai l’espoir que grâce à l’appui d’autant de personnes sensées et bien intentionnées, ce sera une expérience des plus importantes, qui me permettra de m’épanouir artistiquement.

ODLP : Depuis l’an passé, le Prix HSBC pour la Photographie apporte une aide à la production pour la réalisation d’un nouveau sujet. Avez-vous une idée précise du projet que vous souhaitez réaliser ?

MZ : Grâce à mon projet « Post », j’ai une idée très nette de la direction que je veux donner à ma photographie. Pour parler d’un nouveau projet, il faut d’abord que je mette un terme à la série en cours, ce à quoi je m’emploie. Je sais que je vais me concentrer sur ce qui me constitue – l’incertitude. Cependant, cela aura une dimension très différente. C’est tout ce que je peux en dire pour l’instant.

ODLP : Qu’est ce qui vous a décidé à présenter ce travail pour ce Prix HSBC pour la Photographie ? Depuis quand connaissez vous ce Prix ? Avez-vous des souvenirs d’anciens travaux primés du Prix qui aurait pu vous donner envie de participer ?

MZ : C’est mon petit ami qui m’a encouragé à envoyer mon dossier. Sans lui, je n’en serai pas là où j’en suis aujourd’hui. La force avec laquelle il m’incite et parfois me pousse à agir, est vraiment incroyable. Grâce à lui, après une longue période de lutte avec moi-même, j’en suis arrivée au point où j’arrive à penser mes travaux comme un tout, qui mérite d’être montré. J’ai commencé à montrer « Post » en 2015, et je suis très heureuse que ce travail suscite autant d’intérêt.

Je ne suis qu’au tout début de l’aventure d’un an avec HSBC, mais je suis certaine que le plus important dans ce concours, c’est tout le process par lequel passent les lauréats. La collaboration avec l’autre gagnant, la rencontre de personnes importantes et inspirantes, le travail, simultanément, sur la monographie et sur l’exposition dans différents endroits, tout cela nous donne les bases pour la suite.

Et pour les lauréats précédents, j’adore l’œuvre de Noémie Goudal, qui a gagné le Prix il y a quelques années, et la série lauréate en 2014 « Encouble », de Delphine Burtin, m’a vraiment impressionnée.

Traduit du polonais au français par Carine Dolek

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