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Ève Morcrette par Yanitza Djuric

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Ce que nous dit Ève

Il y a la photo démonstrative, celle qui dévoile l’actum ou le fatum dans toutes ses imperfections, tel un effet d’une reproduction du réel. La photographie érotique ne s’insère pas dans ces fondamentaux puisqu’elle étire, sublime le corps au-delà de sa représentation en mettant l’accent sur les méandres, les territoires plus ou moins secrets d’une anatomie. Nous serons, in fine, confrontés non plus à la reproduction d’une entité corporelle mais à l’interprétation purement subjective de cette dernière qu’en aura faite l’artiste.
Assurément, l’univers que nous propose Morcrette n’est pas ceux que l’on rencontre souvent dans le domaine de la photo de « nu ».
Le sujet en est presque toujours le corps féminin, dans tous ses étés, ses printemps et ses hivers. Si j’ai choisi cette métaphore pour évoquer le passage du temps sur des épidermes anonymes, en oubliant volontairement l’automne, c’est parce que, précisément, c’est cette saison que Morcrette choisit comme second sujet constitutif de son travail : ce climat brumeux, indécis qui raconte l’arbre qui commence à se dégarnir ou la pluie tombant sur une mer grise.
C’est précisément depuis la série « Femmes animales », qui comme son nom l’indique, utilise principalement l’anamorphose comme Mécanisme visuel, que j’ai eu envie d’évoquer par écrit le travail de Morcrette. Plus que cela, il m’a semblé intéressant d’aller précisément où elle veut nous emmener, nous autres, spectateurs, vers une réalité onirisée par touches discrètes.
Femme oiseau, Femme chat, Femme escargot, femme biche. . . Elles s’offrent à nous, mais pas complètement.
Il y a là une gageure particulièrement réussie puisque Morcrette parvient à rendre présentes, ô combien, ses différentes incarnations de la femme, par l’artifice, mais en est-il vraiment un ? du masque et -ou – d’une mise en scène posturale, mais surtout grâce à la présence très particulière d’une « immatérialité », qui serait venue envahir la photo au moment où elle a été prise, sans que nous ne puissions deviner où, précisément elle est intervenue. Contrairement au travail de Fransesca Woodman, qui nous laisse apercevoir naturellement l’anti naturel, c’est à dire l’intrusion dans l’image d’un corps étranger par le mouvement arrêté d’un personnage ou le jaillissement d’une lumière venue d’ailleurs, Morcrette nous laisse deviner par nous-mêmes le substrat poétique même contenu dans ses différentes photos. Ces silhouettes dénudées se cachant sous un masque ou bien nous tournant le dos, interdisent toute identification comme si leur chair serpentine était devenue leur seul matricule. Femmes tronquées, femmes animales, femmes animées, en tout cas d’une puissante vitalité posturale, qui évoquent la grâce, soit, mais également le malaise, par ce dévoilement inversé dont elles sont les actrices, comme si elles nous révélaient incidemment cette aliénation d’un corps souvent objet, soumis aux regards, qui ne peut se délivrer de lui-même qu’en se réinventant. Autrement.
Yanitza Djuric

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