Rechercher un article

Entretien avec la photographe Jo Whaley

Preview

Jo Whaley a ses racines ancrées dans la région de la Baie de San Francisco, puisqu’elle a obtenu ses diplômes en Art et Photographie en 1980 à Berkeley, Université de Californie. Se destinant d’abord à la peinture, elle est ensuite devenue peintre scénographe pour l’opéra de San Francisco et pour des compagnies théâtrales de la région. Son expérience au théâtre nourrit de toute évidence ses photos, pour lesquelles elle crée des décors de scène, utilisant divers accessoires, des toiles de fonds peintes et un éclairage dramatique. Ses différentes séries de photos mêlent langages photographique et pictural, en s’appuyant sur une utilisation expressive de la couleur. Ces vingt-cinq dernières années, elle a imaginé des séries très diverses allant des nus allégoriques, aux natures mortes en « vanités » revisitées, en passant par la fusion de l’histoire naturelle et des questions environnementales, dans son portfolio Théâtre des Insectes.

Sara Tasini : Qu’est-ce qui vous a amené à la photo et pourquoi avoir continué dans cette voie ?

Jo Whaley : En peinture, chaque coup de pinceau est investi de la personnalité de l’artiste. Ce que je trouvais intéressant en photo, c’était de pouvoir créer des images « artistiquement neutre. » Je recherchais ce caractère anonyme, car il place l’attention sur l’image plutôt que sur l’artiste.

Pourquoi était-ce important pour vous de créer une œuvre « artistiquement neutre » ?

Je considérais que ma personnalité n’était pas importante et que l’œuvre devait être une vision. J’essaie de livrer un reflet de notre époque. Je voulais une image calme, distillée, qui livrait une émotion subtile.

Vous avez également étudié la peinture. Pourquoi avoir choisi de composer vos natures mortes et vos études d’insectes au moyen de la photo, plutôt que de la peinture ou d’un autre médium ?

La photo est le médium instantané qui donne la description la plus proche de la réalité. Je cherche toutefois toujours dans mes images une « acceptation de l’invraisemblance », ce qui veut dire que je crée des images réalistes de quelque chose qui n’est pas réel, mais imaginaire. Comme au théâtre. L’image dans son ensemble est une construction.

Regardez-vous ou avez-vous déjà regardé les œuvres d’autres photographes ou artistes pour trouver l’inspiration ou seulement pour parfaire votre culture ?

Pour tous mes projets, je tiens un carnet de notes avec les références artistiques concernées. Je collecte des photogrammes de films et des images dans les revues d’art ou des livres d’histoire de l’art. Je consigne aussi mes idées sur la philosophie et la technique et je dessine les brouillons de mes images. C’est très important d’avoir des références artistiques de différentes époques et dans différents media, cela permet d’élaborer une connaissance complète. Je trouve l’inspiration n’importe où. Je construis une synthèse de mes propres expériences, en gardant cette inspiration comme vision périphérique.

Vous avez fait cette déclaration : « Le théâtre est un mensonge qui dit la vérité. » Pourriez-vous développer ?

C’est une remarque que l’on entend souvent dans le monde du théâtre, qui signifie que l’on peut tenir au théâtre des propos que l’on ne pourrait pas tenir dans la vie, mais qu’il s’agit bien de la vérité. Le Tartuffe de Molière ou Les Noces de Figaro de Mozart expriment par exemple des idées controversées qui n’auraient pas été tolérées à leur époque si elles n’avaient pas été présentées comme des fictions.

En quoi votre travail dans la production théâtrale a t-il nourri votre œuvre photographique, sur le plan technique comme sémantique ?

D’un point de vue conceptuel, mon travail coïncide avec les idées théâtrales, qui mêlent fiction et réalité et acceptation des invraisemblances. Sur le plan technique, le théâtre m’a permis de faire l’expérience des jeux de lumière et des filtres de couleurs. Je regardais les éclairagistes au travail sur le plateau. Le théâtre a beaucoup influencé ma façon de penser. J’ai appris énormément en travaillant plusieurs années comme peintre scénographe.

Pourquoi les insectes vous fascinent-ils autant ?

Comme pour tous les éléments naturels, je trouve leurs couleurs, leurs structures et leurs dessins merveilleux. Ils m’inspirent beaucoup. Il se trouve que j’utilisais une collection d’insectes pour mes natures mortes : je me suis dit un jour que ça ferait des sujets superbes. Certains insectes ont des dessins sur le corps qui leur permettent de se camoufler, par mimétisme. Ça me fascine de me dire que ces dessins sont destinés à interagir avec leur environnement. J’ai changé cet environnement dans mes décors, mais j’ai repris l’idée de mimétisme dans beaucoup d’images.

J’ai aussi étudié les natures mortes hollandaises et la façon dont ces artistes utilisent les insectes comme une métaphore du caractère éphémère de la vie. Les insectes mangent des fruits et de la matière en putréfaction. Ils jouent un rôle très important dans le processus de décomposition.

Propos recueillis par Sara Tasini

Cet entretien fait partie d’une série réalisée par la Holden Luntz Gallery, une galerie basée à Palm Beach, en Floride.

Holden Luntz Gallery
332 Worth Ave, Palm Beach, FL 33480
Etats-Unis

http://www.holdenluntz.com/

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android