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Les photographies du MoMA : de 1920 à 1960

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L’hiver dernier, le MoMA de New York a entrepris la publication de son impressionnante collection photographique, acquise depuis sa création en 1929. Trois volumes imposants parcourent l’histoire de la photographie depuis son invention à notre époque contemporaine, et ce, en remontant le temps. Après le premier ouvrage, Photography at MoMA : 1960 to Now, paraît ce mois-ci le second livre, qui s’intéresse aux photographies réalisées entre 1920 et 1960, en pleine apogée de l’époque moderniste.

Comme son aîné, cet opus ne dévoile évidemment pas toutes les photographies que renferment les archives du MoMa sur cette nouvelle période, mais propose une mosaïque illustrative de leur richesse. Ainsi, au fil des pages, les photographes les plus célèbres se mêlent aux moins connus, une volonté affichée par la politique d’acquisition démocratique du musée. On y trouve ainsi des images d’Ansel Adams, Edward Steichen, Germaine Krull, Man Ray, Lisette Modell, Bill Brandt comme de Lucien Aigner, Sherril Schell, Franz Roh, Gjon Mili, ou Shomei Tomatsu. A noter la présence de photographies issues de périodiques tels que le New York Daily News, ce qui prouve qu’il n’y a pas de petits journaux, d’agences comme Associated Press ou même des clichés appartenant à l’armée américaine.

Prenons au hasard quelques images marquantes. Le 6 juin 1944, le garde cote américain Robert F. Sargent, aux commandes d’une des barges du débarquement en Normandie, photographie de son poste les GIs se jetant dans la « mâchoire de la mort » (Into the Jaws of Death). En 1929, Man Ray photographie le cou flou d’un homme (Anatomies, 1929). Harold E. Edgerton saisit la mort d’une ampoule fauchée par un marteau (Smash!, 1933). Robert Rauschenberg immortalise Cy Twombly, dans un magnifique portrait obscur et intriguant (Cy Twombly, 1951). André Kertész Les lunettes et la pipe de Mondrian (1926). Ernie Sisto le trou béant causé par un accident d’avion dans l’Empire State Building, à New York (Where Bomber Crashed into Empire State Building, 1945).

Le livre en lui-même se décompose en 8 chapitres à thèmes – chacun introduit par un texte explicatif –, dont American Modernism (Modernisme Américain), Surrealism and the Everyday (Surréalisme et quotidien), Subjective Experiments (Expérimentations Subjectives) ou America and the Documentary Style (L’Amérique et le Style Documentaire). En introduction, Quentin Bajac, conservateur en chef du département photo du musée écrit, non sans un sens du récit : « Se plonger dans les archives du département de la photographie du MoMA amène inévitablement à l’esprit cette ligne de L.P. Hartley : « Le passé est un pays étranger : les choses se font différemment ». Dans le passé, les habitudes, les lois, les coutumes et les mœurs ne sont pas ceux d’aujourd’hui. C’est un endroit où l’on peut écrire à Marcel Duchamp pour savoir s’il connaît « le véritable nom de Man Ray » (que Marcel Duchamp ne semblait pas savoir); où le jeune Robert Frank se présenta en 1950 dans une lettre au directeur du département à quelqu’un « gagnant sa vie comme photographe de mode », une image loin de celle que nous avons de lui aujourd’hui ; où Beaumont Newhall, premier conservateur du département, et Ansel Adams, ont eu l’idée, qui ne semble pas très étrange, de retirer une image de László Moholy-Nagy pour une exposition, sentant que l’originale en leur possession était trop floue (après avoir essayé, ils ont changé d’avis, ayant décidé que l’impression ne ressemblait plus du tout à une œuvre Moholy-Nagy); où sous le titre de l’exposition accrocheuse American Photographs pour 10 dollars, le département, comme une galerie commerciale, a tiré et vendu des images d’Adams, Berenice Abbott, Walker Evans, Helen Levitt, Moholy-Nagy, Arnold Newman, Charles Sheeler, Brett Weston, et Edward Weston (l’exposition, ouverte trois jours avant l’attaque de Pearl Arbor, n’a pas eu de franc succès). C’est un temps où, enfin, selon la légende, le jeune Evans a accroché son exposition lui-même, en 1938, en une seule nuit, armé d’une bouteille de whisky et d’un tournevis, en compagnie de deux amis qui étaient membres du musée, mais sans le conservateur en charge. Une autre époque avec d’autres coutumes et d’autres comportements ! »

Le temps, compté à rebours, puis renvoyé vers son futur, est donc une donnée de l’ensemble des trois ouvrages. Ce n’est pas le temps de la nostalgie, mais celui apprécié par les regards curieux. Regard qui peut-être avisé, comme novice, et c’est bien là l’attrait de cette collection. Grâce à sa forme encyclopédique, elle permet de naviguer entre les périodes, les thèmes, et prendre goût à découvrir ou redécouvrir l’évolution de la photographie. Le dernier volume, prévu pour l’année prochaine et qui remontera ce temps jusqu’aux prémices de l’image, renfermera probablement de belles découvertes, tant la période du 19e siècle est généralement méconnue.

Jonas Cuénin

Photography At MoMA: 1920 To 1960
Edité par Quentin Bajac, Lucy Gallun, Roxana Marcoci, et Sarah Hermanson Meister
368 pages
75 dollard

www.store.moma.org

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