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Décryptage de Paris Photo 2016

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Toujours aussi majestueuse sous la verrière du Grand Palais, la foire qui fêtait cette année ses 20 ans dessine plus que jamais les grandes tendances de la photographie. Analyse et décryptage.

Bien sûr, à Paris Photo, on retrouve les classiques du XIXe siècle et les valeurs sûres plus récentes présentes traditionnellement dans cette foire, que sont Pierre et Gilles, Gregory Crewdson ou encore Valérie Belin. Des immuables. Mais surtout, on découvre quelques trésors, non pas oubliés, mais auxquels on accorde toute notre attention et qu’hier on ignorait. Exemple, à la Galerie Daniel Blau qui présentait des images magnifiques de Saturne réalisées par la Nasa dans les années 1980, ou encore celles, spectaculaires, prises par l’armée américaine lors de tests nucléaires dans les années 1940. Ou quand la photographie documentaire change de statut et fait œuvre.

A Paris Photo, on est également toujours enchanté de voir, ou revoir, d’année en année, les pionniers de la photographie couleur et ainsi une autre Amérique, celle des années 1960 et 1970 et même des années 1980. De Stephen Shore chez Edwynn Houk à Frank Horvat et Harry Gruyaert chez Fifty One, en passant par Arlene Gottfried à la galerie des Douches, sans oublier la très touchante série de Paul Fusco, Funeral Train chez Danziger : le plaisir des yeux était grand. Tous ces tirages, d’époque pour la plupart, confirment avec leur format rarement supérieurs au 30 x 40 cm une tendance déjà initiée l’année dernière : la raréfaction de la photo-tableau séduisante et décorative. Le retour aux petits formats intimes – quitte à ce que par le jeu de l’assemblage en fresque l’œuvre se fasse imposante – est très net.

Autre constat, la figure humaine qui a fait les beaux jours de la photographie humaniste disparaît ou est souvent niée chez les contemporains. Par exemple, par le truchement de la transformation de l’image, pour ceux qui se réapproprient des photos vernaculaires. Témoin : Julie Cockburn chez Flowers.

De manière générale, ce qui frappe chez bons nombres d’auteurs d’aujourd’hui, c’est le retour à l’abstrait, au géométrique et aux compositions d’une part, et un usage de plus en plus fréquent du noir et blanc. Si dans les années 1930, leurs aînés expérimentaient le médium, nos contemporains, eux, semblent vouloir plutôt fuir le réel comme pour proposer une nouvelle vision du monde. Ces œuvres cherchent moins à raconter des histoires, ou du moins à être narratives, que celles de ces deux dernières décennies : le temps de la fiction et de la mise en scène est révolu, place à l’abstraction qui invite aux réflexions métaphysiques. Est-ce une manière de faire écho à la société contemporaine en mutation, au monde fragile et précaire dans lequel nous vivons ?

Autre constat : le papier, la matière et tous les types de supports qui donnent de la matérialité aux images s’affirment décidément comme des éléments à part entière de l’œuvre, et deviennent autant, si ce n’est plus important, que ce qu’elle montre ou raconte. Plus que jamais, la photographie est un objet, un objet de collection. Exemples spectaculaires à la galerie Dix9 avec Leyla Cardenas et Christiane Feser à la galerie Anita Beckers.

Enfin, cette édition 2016 de Paris Photo marque un net retour des procédés anciens : cyanotype, ambrotype ou encore épreuves à la gomme bichromatée trichrome ou daguerréotype comme ceux de Mustapha Azeroual à la galerie Binôme présente sur la foire pour la première fois. Ces procédés contemporains de l’invention de la photographie ne dénotent pas seulement d’une résistance de notre époque au tout numérique, ils ont un intérêt de taille dans une manifestation qui, ne l’oublions pas, est avant tout une foire : ils proposent des œuvres uniques. Une sacrée valeur ajoutée dans une époque où la photographie se banalise. En tout cas, une tendance forte observée chez de nombreux exposants, comme par exemple les photos peintes de William Klein chez Polka. Car on s’en doute, la valeur financière d’une œuvre unique est beaucoup plus importante qu’un multiple… Et ainsi, photographie et art contemporain se rapprochent un peu plus… N’est-ce pas, d’ailleurs, dans cette direction que nombre de festivals et manifestations photo vont depuis quelque temps ?

Et aussi, côté édition : deux coups de cœur en marge des livres présentés par les exposants. Parcours, réalisé pour les 20 ans de la foire par Xavier Barral, réunissant 89 contributions d’acteurs majeurs du monde de la photographie qui ont marqué l’histoire de Paris Photo. Une édition dont chacune des 2.000 copies est unique puisqu’elle a fait l’objet d’une intervention originale du collectif Tendance Floue réalisée en collaboration avec la PictoFoundation, fonds de dotation Picto (35 euros). Ce même laboratoire qui présentait le livre de Laurence Leblanc conçu dans le cadre du Prix Niépce. Un véritable objet de collection, tiré à 15 exemplaires.

Sophie Bernard

Sophie Bernard est une journaliste spécialisée en photographie basée à Paris. Elle a été rédactrice en chef du magazine Images durant 12 années.

www.parisphoto.com/

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