Gamma : une histoire de photographes, une histoire d’agence, l’une des plus belles. Un livre aux éditions de la Martinière célèbre son 50e anniversaire. Il est formidable. Les textes d’Hubert Henrotte et de Floris de Bonneville sont somptueux. Toutes les semaines, L’Œil de la Photographie publie quelques-unes des images de ce qui fut la plus belle époque du photojournalisme. Aujourd’hui : une sélection des meilleures images de Raymond Depardon.
La première mission de Raymond Depardon a consisté à faire venir Gilles Caron. Désormais, il peut se consacrer à son propre travail. Un point seulement le gêne. Quel comportement doit-il adopter : se contenter de réaliser les reportages qu’on lui propose ou bien prendre l’initiative des sujets ? Cette incertitude, il la doit à son ancien statut de salarié chez Dalmas. Il va faire les deux pour commencer. Je lui propose d’aller couvrir le mariage d’Henri de Laborde de Monpezat avec la princesse Margrethe de Danemark, pendant la guerre des Six Jours. Pas très chaud, Raymond fait la moue. Aussi, je lui rétorque : « Écoute, cela paiera au moins l’électricité, et puis on a des demandes de la presse. »
Il enchaîne avec le voyage du pape en Turquie, un reportage sur le roi Fayçal d’Arabie puis un voyage à Abou Dhabi. De retour à Paris, il enchaîne avec Charlie Chaplin chez Castel, Peter et Jane Fonda, qui sont de passage dans la capitale, et Mireille Darc chez Ted Lapidus. Puis il va réaliser plusieurs grands sujets à Hollywood. Il commence par couvrir le tournage du film de Roger Vadim Si tu crois, fillette… avec Rock Hudson. Devant ce succès, Monique Kouznetzoff lui organise une série sur les superstars : John Wayne, Lee Marvin, Angie Dickinson…
À partir de 1968, Raymond va pouvoir donner toute sa mesure sur des reportages de grande envergure : voyage du pape en Amérique latine, Jeux olympiques de Mexico, convention démocrate à Chicago, campagne électorale de Richard Nixon, réforme agraire au Chili. Désormais, Raymond décide lui-même de ses sujets. Certaines de ses images deviendront des icônes que l’on retrouvera dans la grande exposition qui lui sera consacrée au Grand Palais quarante-cinq ans plus tard.
« Ces années-là de Gamma ont été celles de la liberté », souligne Raymond dans propos recueillis à son domicile en août 2004. « Cette liberté qu’on n’avait pas auparavant en tant que salariés. C’était cela Gamma, une école fondatrice et celle de la liberté, une expérience essentielle qui fait que tout ce que je fais aujourd’hui passe par elle. Les fondateurs de l’agence, Hubert Henrotte en tête, ont eu l’idée de regrouper des photographes pour qu’ils prennent une certaine autonomie et retrouvent leur dignité. C’est Hubert qui l’a fait et personne d’autre. Pas moi. Mais c’est moi qui en ai pro té. Sans cette idée, je ne serais pas devenu ce que je suis. »
Et Raymond Depardon voudra aller plus loin. La caméra le tente depuis longtemps. Il fera ses vrais débuts en août 1968 au Biafra, puis continuera avec l’affaire Palach, cet étudiant tchèque qui s’immole par le feu sur la place Vanceslas pendant le printemps de Prague. Ses images poignantes d’un peuple endeuillé, tout habillé de noir, et qui fond en larmes au passage du cortège funéraire sont bouleversantes décrocheront de nombreux prix.
Plus tard, ce sera l’aventure du Tchad où il ira plusieurs fois, fasciné par le désert et l’histoire de cette ethnologue, prisonnière au Tibesti du chef des rebelles Hissène Habré. La diffusion de son film au journal télévisé de 20 heures jouera un rôle déterminant dans la libération de Françoise Claustre. Raymond a réalisé à ce jour plus de vingt films, sans pour autant abandonner la photographie. Nous sommes ers de l’avoir eu comme partenaire.
Hubert Henrotte
Gamma, Une histoire de photographes
Publié par La Martinière
59€
