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Tom Hutchins, Seen in China 1956

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« Je me réjouis en secret de ce premier succès : faire ce pour quoi j’étais venu en Chine – photographier à ma manière et dans mes propres termes ces gens qui représentent un quart de l’humanité ».

Cette citation provient du manuscrit inédit de Tom Hutchins intitulé The Bridge at Shumchun (Le pont de Shumchun) où il raconte comment il est passé en Chine depuis Hong Kong le 9 mai 1956. Chargé de sacs et de matériel photo, il s’inquiétait des formalités qui seraient nécessaires pour entrer dans la Chine communiste, qui était alors fermée à la majorité du monde.

« Sur la plate-forme il y a beaucoup de gens qui attendent de passer dans l’autre sens et attendent le train qui les ramènera à Hong Kong », a-t-il écrit. « Personne ne semble opposé à l’idée qu’on prenne leur photo, et la jeune fille séduisante qui expédie mon télégramme à partir d’un bureau surélevé au milieu de la plate-forme rougit et sourit avec un embarras charmant quand mon regarde se pose sur elle, et quelques personnes souriantes se rassemblent pour regarder. Tandis qu’elle consulte des tableaux et se concentre sur l’envoi de quelques mots à un endroit étrange appelé la Nouvelle-Zélande, je continue mes prises de vue, et je me réjouis en secret de ce premier succès : faire ce pourquoi j’étais venu en Chine – photographier à ma manière et dans mes propres termes ces gens qui représentent un quart de l’humanité ».

Il n’est pas surprenant que certaines de ses premières photographies aient été quelque peu hésitantes et n’aient pas été incluses dans son choix final, mais elles constituaient un banc d’essai essentiel pour les quatre mois d’activité non-stop qui ont suivi.

« Ayant ainsi brisé la glace », poursuit le Néo-Zélandais de 34 ans et nouvellement père, « je tourne mon appareil photo sur des enfants jouant autour des sièges, des gens au repos, des affiches qui demandent plus de production, plus d’éducation, une meilleure santé. Et puis le patient M. Wong me rappelle les formalités douanières. En s’excusant d’avoir à enregistrer le numéro de mes cinq appareils photo, l’agent des douanes me croit sur parole en ce qui concerne le nombre de films que j’ai emballés dans mes sacs. Si je peux leur assurer que je ne vais pas vendre ou donner des films, il n’y a qu’un seul formulaire à remplir en trois exemplaires, et je suis libre d’avoir un bon déjeuner de poulet, de légumes et de riz avec un délicat thé (au jasmin?) ».

Tom n’a pas séjourné longtemps à Canton (Guangdong), qui est l’endroit où se sont rendus la plupart des premiers immigrants chinois de Nouvelle-Zélande, parce qu’il avait l’intention d’y revenir plus tard, ce qu’il fera en septembre. À ce moment-là, cependant, les autorités chinoises ont pensé qu’il posait trop de questions difficiles et ont abrégé de six semaines son visa de six mois.

Tom était en Chine en tant que photographe indépendant, car bien qu’il ait été photographe en chef à l’Auckland Star, le journal libéral l’a congédié quand ils ont appris en avril 1956 que la République populaire de Chine lui avait finalement délivré un visa. C’était la première période où la Nouvelle Chine s’ouvrait un peu nerveusement aux étrangers, alors que la Guerre Froide était fermement en place. Bien que la Nouvelle-Zélande ne soit pas allée aussi loin que les États-Unis – qui ont interdit aux journalistes et photographes de visiter la Chine – elle a suivi la ligne anti-communiste américaine du monde capitaliste. Tom avait espéré que sa femme Florence pourrait l’accompagner, mais de même que son idée originelle de suivre la “Rivière-Mère” de Chine (Le Fleuve Jaune), depuis sa source dans les montagnes occidentales jusqu’à la mer orientale, les restrictions formelles et les aspects pratiques l’en ont empêché. Il ne lui a pas été possible non plus d’aller au Tibet ou près de la frontière du Vietnam ou sur la côte sud-est, où la Chine et Taiwan se bombardaient encore. Le simple fait d’être admis en Chine, après plusieurs demandes, lui est apparu comme une espèce de miracle.

Plus tard, quand il a suivi de loin les événements en Chine, il a été consterné et très critique à propos de ce qu’il a appris sur l’évolution vers la Révolution culturelle de 1966-1976 et ce qui a suivi. Et il s’est inquiété pour la survie des personnes qu’il avait rencontrées et interviewées en Chine, qui avaient été emprisonnées pour raisons politiques ou avaient disparu. Le progrès social et l’aube de la libération intellectuelle dont il avait été témoin et qu’il avait approuvés en tant que socialiste, pacifiste et humanitaire semblaient avoir flétri sur pied et ses demandes de retour en Chine sont restées sans réponse.

Début 1989, parmi les boîtes de carton contenant des papiers endommagés, les coupures de presse et les manuscrits trouvés par Mala Mayo et moi-même enterrés sous les fondations de Remuera, la maison d’Auckland de Tom Hutchins il y avait environ six-cent tirages Agfa Brovira pourris de 20 x 25 cm pour le livre qu’il avait prévu de faire sur la Chine. Nous n’avons pas pu retrouver ses négatifs, qui ont finalement été redécouverts plusieurs années plus tard, en bon état, à l’intérieur de la maison de Tom. Mais ceci est une autre histoire.

Sa première publication dans le magazine Life, en janvier 1948, deux mois après son 26e anniversaire, était un panorama composite du fatal incendie de novembre 1947 qui avait entièrement détruit le centre commercial Ballantynes ​​à Christchurch. Il était alors un nouveau membre de l’agence Black Star à New York et avait le soutien des rédacteurs de Time Life pour son scoop potentiel sur la Chine, en tant que premier photojournaliste non communiste occidental à couvrir la Chine révolutionnaire depuis Henri Cartier-Bresson. Cartier-Bresson lui-même, ainsi que d’autre membres de l’agence Magnum comme Marc Riboud, Brian Brake (sans doute le plus célèbre des photographes néo-zélandais), René Burri et Hiroshi Hamaya allaient succéder à Hutchins en 1957 et dans les années qui ont suivi. En conséquence, le travail de Hutchins, qui couvrait certains aspects de l’influence soviétique ainsi que, pour la première fois, la province de Xinjiang, remplit certains manques dans la documentation de cette période par d’excellents photographes étrangers.

Avant sa mort le 15 mars 2007 à l’âge de 86 ans, après vingt ans de travail pendant notre de temps libre, nous avions tous deux fini d’établir une liste représentant son choix de ses photographies les plus significatives de la Chine. Des feuilles d’épreuves et environ 600 nouveaux tirages d’archive 20 x 25 cm ont été réalisés sous son contrôle. Depuis lors, ces tirages ont été numérisés ainsi que beaucoup de ses négatifs sélectionnés mais non tirés, à partir desquels on peut faire des tirages numériques d’archives au fur et à mesure des besoins. Cette première exposition et la publication du reportage en Chine de Tom Hutchins est tirée des 600 images qu’il avait choisies, et nous permet de commencer à honorer son statut de témoin oculaire indépendant et d’observateur et participant d’une nouvelle nation en devenir .

Life a assisté ce projet en développant et organisant la plupart des films de Hutchins en vue d’une utilisation rapide. Un essai de neuf pages et 22 images a été publié dans l’édition américaine du 21 janvier 1957 de Life sous le titre Red China on the March (La Chine rouge en marche) ainsi que dans leur édition internationale du 28 février 1957.

Tom voulait que ses photos parlent d’elles-mêmes et craignait que d’autres (y compris moi-même, je crois) puissent facilement dénaturer le sens et la raison d’être de ses images – la “preuve visible” qu’il s’était donné pour mission d’enregistrer. Il n’a écrit qu’un bref essai rétrospectif sur cet ensemble de travaux que je garde en vue d’un livre plus complet sur la Chine.

Depuis soixante ans, cette remarquable mémoire photographique de la Chine révolutionnaire est demeurée invisible. Tom avait cessé de s’y intéresser quand il avait échoué à trouver un éditeur pour son livre dans les années soixante et que d’autres questions plus impérieuses dans le domaine personnel et le domaine du travail ont pris la priorité. Parmi ces interruptions a figuré la fondation des premiers cours universitaires à temps plein de cinéma et de photographie dans le Commonwealth britannique. Il a enseigné ces deux médias à l’Elam School of Fine Arts de l’Université d’Auckland, depuis 1965 jusqu’à sa retraite en 1980 et a été un professeur très influent qui a exigé de ses étudiants et son équipe un niveau élevé.

Dans les années soixante, il a écrit la note suivante, où il tentait d’expliquer à un éditeur potentiel l’essence de son travail en Chine. Son livre, écrit-il, est « un récit d’images d’un voyage de quatre mois à travers la Chine – du point de vue personnel d’un observateur humain, mais non dépourvu d’un esprit critique, plus intéressé par l’évidence visible des aspects accessibles de la vie chinoise que par la surimpression d’un style personnel sur un fond étranger. » Il essayait, je pense, de décrire la différence de point de vue entre son approche de la Chine et celle des photographes étrangers déjà publiés comme Henri Cartier-Bresson et Brian Brake, dont il pensait peut-être qu’ils étaient un peu trop subjectifs et artistiques. Quoi qu’il en soit, le travail de Tom peut être regardé maintenant, et l’avenir nous dira comment le voir.

La première exposition mondiale de ce travail a été présentée au Festival international de photographie de Pingyao, province du Shanxi, en République populaire de Chine, du 19 au 25 septembre 2016. L’exposition coïncidait avec la publication d’un livre bilingue, Tom Hutchins Seen In China 1956 par Turner PhotoBooks, Auckland / Beijing en collaboration avec PhotoForum Inc, NZ, comme PhotoForum numéro 86. (ISSN 01110411, disponible chez RIM Books, NZ: [email protected] uniquement en couverture cartonnée).

Les images et les citations sont : © Tom Hutchins Images Ltd, Nouvelle-Zélande, dont je suis le gestionnaire de projets. Au moment où j’écris ce texte, il y a près de 1 000 photos de Chine de Tom disponibles pour référence et étude sur mon site : www.jbt.photoshelter.com. D’autres suivront jusqu’à ce que, finalement la plupart des 6 000 photos qu’il a faites puissent être consultées en ligne. Je me réjouis également de collaborer avec d’autres écrivains et commissaires qui souhaiteraient analyser et présenter ce travail dans le contexte plus large de l’histoire de la Chine et l’évolution des histoires de la photographie, qui se trouvent enrichies par la redécouverte inattendue de remarquables praticiens comme Tom Hutchins.

John B. Turner

John B. Turner est photographe, écrivain, commissaire d’expositions et historien basé à Beijing, en Chine.

Www.jbt.photoshelter.com

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