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Passer son chemin: dans les coulisses de la NY Fashion Week 2017

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Nous sommes au mois de février. Dehors, le froid est glacial et la neige s’est amoncelée. Partout, des plaques de verglas fatales. Nous nous retrouvons une fois de plus dans la folie, la couleur et l’excentricité de la Fashion Week new-yorkaise. Prenons cette invitée d’une fête chic de l’Upper East Side, où je suis allée prendre des photos. Elle a quitté la table des hors d’œuvres et s’est approchée de moi pour me murmurer : « C’est horrible, non ? »

Ce qui est « horrible », c’est un fromage odorant suintant sur une assiette en argent, à côté de succulentes tranches d’ananas, d’alléchantes grappes de raisins, de fraises d’un rouge vif et de morceaux de mangue.

Dans ce duplex d’un hôtel chic loué pour l’occasion, la fromageophobe a plissé son nez d’un air consterné pour me confier qu’elle avait fuit par l’escalier dans le but de trouver un refuge le plus éloigné possible de cet arôme aigre. Toutefois remplacé par la fumée de cigarette flottant depuis la terrasse.

J’ai répondu brillamment : « Eh bien, j’ai toujours pensé que plus le fromage puait, plus il était bon ! »

Si seulement je pouvais trouver les fromages odorants répugnants moi aussi, pensé-je, ma vie serait tellement différente… J’aurais l’air super soignée, et la France ne me manquerait jamais.

Pendant la Fashion Week de New York, la ville prend un rythme encore plus frénétique, une atmosphère encore plus exotique que d’habitude, et j’adore ça. On quitte l’ordinaire, la réalité quotidienne, comme lorsqu’on est enfant et qu’on s’amuse à jouer un rôle ou que l’on est absorbé dans la lecture d’un bon livre. J’adore la vue et les bruits de la Fashion Week de New York, les accents de tous ces gens qui se rassemblent, venus de loin, attirés par leur amour pour la mode et le style. Je suis tellement heureuse quand je les vois prendre autant soin de leur apparence, juste pour le plaisir de pavaner et de s’amuser dans des fêtes et des défilés, surtout avec ce climat politique consternant. Pendant la première soirée de la Fashion Week, la marque anglo-américaine rag & bone a organisé une fête incroyable pour ses quinze ans, pleine à craquer de célébrités, de top models (Joan Smalls ! Freja ! Amber Valletta !) et d’artistes super talentueux, dont Lil Buck, qui s’est lancé dans une performance de break dance exubérante et impromptue, prenant un éditorialiste de mode pour partenaire volontaire.

Au lieu de montrer les vêtements dans le cadre d’un défilé, la marque avait organisé une exposition de photos et de vidéos. Le photographe Glenn Luchford, qui avait pris un nombre incalculable de sujets en photo avec un gigantesque Polaroïd 72 heures avant le début de l’exposition, s’entretenait avec le galeriste James Danziger. On croisait dans tous les coins les modèles des photos en chair et en os. Mark Lebon et son fils, Tyrone, prenaient à moitié la pause, en face d’un portrait de Mark. L’œuvre de Frank Lebon, l’un des trois photographes issu de cette talentueuse famille était également présent dans l’exposition.

A l’after de Jeremy Scott, le styliste en personne se mêlait aux invités, dont l’une, dans un état d’esprit minimaliste, portait un string et un soutien-gorge noirs, sous un manteau imprimé léopard, avec pour accessoires des lunettes noires et des talons en plexiglass. Elle s’est vite débarrassée de son manteau, le laissant tomber sur le sol pour circuler nonchalamment parmi les invités, amusés mais perplexes. Lorsque la DJ Mia Moretti a balancé « Freedom » de George Michael, toute la foule s’est mise à danser et à chanter joyeusement. Non, Donald Trump, vous n’étiez pas sur la liste des invités, et vous ne le serez jamais.

Le soir suivant, j’ai été prise au dépourvu. Je ne m’en suis pas rendu compte avant d’avoir photographié une fêtarde en béret, qui était en fait la DJ susmentionné, celle de la soirée de la veille, une habituée des boîtes de nuit de New York transformée en personnage de film noir, portant une élégante tenue Miu Miu. Il était venu pour la projection d’un film de Chloé Sevigny avec la comédienne hilarante et sardonique, Carmen Lynch. Le film, Carmen, est le dernier d’une série commandée par Miu Miu, intitulée Contes de Femmes. C’était le début de la Fashion Week newyorkaise, mais personne ne semblait vouloir quitter cette soirée film du dimanche, drôle et Euro-chic.

Cette saison, Marc Jacobs a organisé son défilé dans la rue, même si franchement, elle accueillait déjà un beau défilé. Un mannequin en herbe, jeune et jovial, étudiant polyglotte de Brooklyn nommé Nico, de descendance grecque et romaine, portait un t-shirt Comme des garçons, et distribuait gracieusement à qui voulait des petits paquets du dernier eyeliner Marc Jacobs. Devant le Park Avenue Armory, où le défilé s’est déroulé dans un silence religieux, la rue était transformée en scène ; et une scène plutôt bruyante. Une jeune styliste avait installé sa boutique au coin de la Park Avenue et de la 68e rue, où elle avait placé trois mannequins en tenues colorées, flanquées d’un épagneul King Charles. La foule s’était attroupée, mourant d’envie de prendre des photos. Si l’on n’était pas au courant, on pouvait croire que c’était le défilé de Marc Jacobs.

Mais attendez, c’est Grace Coddington ! Un piéton ambitieux a demandé avec audace à la fameuse directrice créative de Vogue de poser pour un selfie avec lui. Et elle a accepté. La foule est devenue folle. Les passants, pour la plupart des hordes de photographes de rue, ne pouvaient qu’apercevoir le tableau de mannequins de Marc Jacobs qui posaient derrière un mur d’intervenants, la sécurité faisant solidement front en criant sans arrêt : « Circulez ! » Pendant ce temps, les plus rapides ont pu courir après Marc Jacobs, qui a pris soin de sortir à grands pas de l’Armory à la fin de son défilé. Le voilà en bas des marches, au coin de la rue, plus loin, solennellement suivi par des mannequins élancés et agiles portant les tenues de sa dernière collection inspirée du hip hop. La procession marchait au son de la belle voix d’Isaac Hayes chantant son triste et plaintif « Walk On By ». (« Passer son chemin »). Marc et ses modèles ont disparu dans une rue transversale, derrière une porte de l’Armory indiquant « Backstage Check-In », fièrement protégés par la sécurité, tandis que tout le monde réclamait de les voir, juste encore une fois.

Assez vite, nous avons effectivement tous passé notre chemin. C’était là le finale revigorant de cette nouvelle Fashion Week. En route pour la fraîche nuit newyorkaise.

Robin Siegel

Robin Siegel est une photographe qui vit et travaille à New York.

http://robinsiegelphoto.com

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