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Mark Cohen, Mexique 1983-2001

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En couverture du livre publié par les éditions Xavier Barral comme en introduction de l’exposition à la galerie Agnès b., un mollet recouvert d’une chaussette brodée remontée jusqu’à la pliure du genou trace une diagonale nette dans l’image. Pas de doute, c’est l’œuvre de Mark Cohen, dont on reconnaît le goût pour les morceaux et les détails de vie davantage que pour les scènes larges. « C’est exactement ce que je fais en terrain connu. On peut voir tous les détails – le dessin des chaussettes, le pli de la robe, le grain de l’image, la boîte de fruits – je photographie toujours des boîtes -, et l’herbe qui pousse sous son pied », lance-t-il en détaillant l’image et s’accroupissant agilement malgré ses 73 ans pour mimer la prise de vue.

Photographe de rue, et surtout photographe de sa ville natale de Wilkes-Barre, dans l’état de Pennsylvanie, aux Etats-Unis, Mark Cohen présente ici des images réalisées entre 1981 et 2003 au Mexique. « Je ne suis pas un baroudeur, j’ai produit 99 % de mon travail à Wilkes-Barre et Philadelphie. Mais un ami m’a dit un jour : « Tu devrais essayer d’aller voir le Mexique parce que ton travail est bizarre et que tu trouveras là-bas des images à faire. »

L’expérience le fascine pour son ébullition et son surréalisme. « J’étais si enthousiaste que j’ai exposé 25 pellicules en 8 jours ! J’étais en voiture et m’arrêtais tout le temps. La seule chose qui me préoccupait, c’était de trouver un endroit où me garer. J’allais dans des villes un peu en dehors de Mexico – elles avaient des noms qui s’écrivaient comme T A L C A M C X X A, donc j’y allais parce qu’elles avaient l’air exotique sur une carte, mais j’y photographiais de la même manière que je le faisais à Wilkes-Barre ».

Et de fait, il ne déroge pas à sa formule. Il passe rapidement, capture avec son 28 ou 35 millimètres et son flash d’une façon qu’il appelle « intrusive », ne déclenche qu’une fois et continue son chemin, faisant passer ses yeux du sol au ciel à la recherche de rectangles surréalistes à capturer. « Tout répond à une technique précise, et ce jusqu’au développement. D’abord, je me prépare à prendre des images. Ensuite, je vais quelque part, marche un peu, et je suis dedans. Je me prépare psychologiquement et photographie pendant 15 minutes et c’est tout. C’est très court. Je règle l’obturateur sur f16 ou quoi que ce soit, et j’essaie de trouver quelque chose à photographier », décrit-il.

Son champ de curiosités s’étend des objets, comme cette chaise qui semble passée au filtre rapetissant d’Alice et posée à côté d’une caisse de bouteilles de soda ne demandant qu’à être remplie, aux gens, qu’il approche souvent jusqu’à les frôler. Les rares yeux des images fixent l’objectif avec un mélange de surprise et d’approbation. « Je prends juste une photo rapidement et continue mon chemin. C’est candide », explique-t-il.

Cette réalité mouvante, vivante, se retrouve dans ses images sous la forme d’un hasard qui s’invite dans le cadre. « Il y a une force visuelle qui circule dans chaque photo », ajoute-t-il. L’image commence par son attraction pour un détail – « Regarde, cette petite fille sur le trottoir, et la forme que dessinent ses cheveux » – puis par la vie qui s’immisce dans l’image, comme le pied d’un passant pressé. « C’est un accident, c’est pour cela que c’est dada. En photographie, tu ne veux pas être trop sûr, tu veux qu’intervienne l’accident. Je ne sais pas comment il est possible de s’amuser en photographiant avec un trépied, ça bloque tout », s’exclame-t-il encore.

Son innocence pourrait bien servir de clé à son travail, qui rejette tout implication sociale ou journalistique. « Il y a une sorte de pression qui pousse les photographes à aller dans des endroits exotiques pour travailler. Moi j’ai fait le tour de Wilkes-Barre pendant 60 ans ! C’est comme Beckett, qui se concentre sur de petites choses – si tu fais ça tu revêts naturellement les images d’un élément psychologique. »

Laurence Cornet

Laurence Cornet est journaliste spécialisée en photographie et commissaire d’expositions indépendante. Elle partage sa vie entre New York et Paris.

 

Mark Cohen, Mexico
Publié par Xavier Barral
45 €

http://exb.fr/en/home/279-mexico-9782365110.html

http://www.galeriedujour.com/expositions/0302_americas/index.html

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