Rechercher un article

Copy, Copy, Copyright

Preview

Le droit d’auteur est un droit légal créé par la loi d’un pays qui accorde au créateur d’une œuvre originale des droits exclusifs pour son utilisation et sa distribution. Ce n’est généralement que pour un temps limité. Les droits exclusifs ne sont pas absolus mais sont limités par des limitations et des exceptions au droit d’auteur, y compris l’utilisation équitable. Une limitation majeure du droit d’auteur est que le droit d’auteur ne protège que l’expression originale des idées, et non les idées sous-jacentes elles-mêmes. 

Ainsi éclata à la fin du XIXe siècle, en Europe, un débat sur le droit d’auteur en photographie. À côté des grands arts souverains, comme la peinture et la sculpture, le goût et le travail ont donné la vie à des sœurs agréables et charmantes qui rappellent à l’aide de la ressemblance, les traits divins des sœurs aînées et les reproduisent par milliers d’exemplaires pour les répandre dans les milieux qui ne peuvent posséder le trésor des œuvres originales.

Aussi la lithographie, la xylographie, la photographie, en tant que reproductions des travaux d’autrui, peuvent-elles former un sujet de questions juridiques sous le rapport des droits des auteurs. La photographie a plus spécialement occupé et divisé les esprits, et c’est sur ce point que nous tâcherons de résumer l’état de la jurisprudence en cette fin du XIXe siècle.

Les applications si variées qu’on a données, dès sa naissance, à la photographie ont soulevé avant tout, en Italie comme en France, la question de savoir si elles peuvent être considérées comme œuvres de l’esprit, comme œuvres de l’art, donnant naissance au droit d’auteur.

On a dit, d’un côté, que la photographie ne peut pas être assimilée aux beaux-arts ni ses produits être protégés à l’égal des œuvres des artistes, parce que la photographie n’est qu’une série d’opérations mécaniques et manuelles, dans lesquelles il n’y a ni production de l’esprit ni création de l’intelligence ; que le photographe devrait être assimilé non à l’artiste, mais à l’industriel mettant en œuvre des machines pour en tirer des produits, qui ne tombent pas sous les dispositions de la loi sur les droits des auteurs. Dans la photographie, autant que dans les autres professions, l’habileté et l’intelligence du photographe auront pour résultat de donner des produits plus ou moins parfaits, mais pourtant les figures qui émanent de l’action du soleil et de la chambre obscure ne peuvent pas s’appeler le produit d’un talent artistique.

En effet, les tribunaux italiens qui eurent l’occasion de se prononcer, en application de la loi du 25 juin 1865, jugèrent que l’œuvre du photographe était simplement mécanique, sans inspiration d’art ni travail d’esprit. C’est ainsi que se prononcèrent les Cours de Naples (2 août 1867), de Turin (8 février 1868), de Florence (26 novembre 1870).

Mais les écrivains se chargèrent de modifier ce principe, à notre avis trop absolu, de la jurisprudence. M. Drago, le premier, dans son commentaire sur la loi italienne, observe qu’il n’est pas question d’établir que les photographies sont ou non des œuvres d’art, mais bien de voir si elles sont ou non des productions, des œuvres de l’esprit (dell’ ingegno). Puis il conclut en disant que « personne n’oserait contester le droit d’auteur à un peintre qui reproduit des objets du règne animal, végétal ou minéral… et que dès lors on ne voit pas de raison pour refuser ce droit au photographe qui, comme le premier, ne fait autre chose que copier la nature, que reproduire des objets, des personnes qui existent ».

Et en vérité, les perfectionnements graduels apportés aux procédés de Nièpce, de Daguerre et de Talbot nous offrent maintenant des travaux qui sont vraiment considérables tant pour la valeur de l’ouvrage que pour la modicité du prix. L’auteur de ces lignes s’est aussi rangé parmi les opposants à la jurisprudence restrictive de nos tribunaux, pour adopter celle qui prévalait dans les jugements français, soutenus par l’autorité de la Cour de Paris qui, en 1863, condamnait Bethbéder et Schwelbé pour reproduction illicite des photographies-portraits de Cavour et Palmerston, quoique dans les pièces du procès existât un mémoire signé par plusieurs membres de l’Institut et artistes célèbres qui protestaient contre toute assimilation qui pourrait être faite de la photographie à l’art. Et, en 1866, condamnait le photographe Franck aux dommages-intérêts en faveur du photographe Mayer pour reproduction des portraits de la famille des princes d’Orléans.

L’expression large et étendue de la loi italienne qui réserve les droits d’auteur non seulement aux œuvres de l’art ou du génie, mais aussi à toute œuvre de l’esprit (opere dell’ingegno) aux plus sublimes comme aux plus médiocres, me paraît détruire toute objection. En outre, il n’est pas exact que les productions photographiques soient des ouvrages tout à fait mécaniques et matériels, parce qu’elles réclament, aussi bien pour la production directe que pour les retouches, des connaissances artistiques et du goût, ce que nous verrons plus loin.

D’un autre côté, dans la relation du ministre Scialoja qui précédait et expliquait la genèse de la loi italienne de 1865, la photographie est énumérée, avec la gravure et le dessin, comme moyen de traduction des œuvres artistiques, et dans la formule de déclaration et dépôt annexée à la loi, elle est nommément indiquée parmi les œuvres graphiques.

M. Amar aussi développe la question sous tous ses aspects, dans son ouvrage très estimé sur la matière des droits d’auteurs. Il passe en revue la doctrine et la jurisprudence de l’Italie et des autres Etats, et s’arrête devant l’argumentation présentée dans un de ces procès par M. Oscar la Vallée, avocat général à la Cour d’appel de Paris, argumentation qui, pour être emphatique, n’est pas moins frappante de vérité et de justice : « Puisque la démocratie, disait-il, s’étend à tout, on peut dire que c’est la démocratie des beaux-arts ; elle a son public comme la littérature à bon marché, elle a pour elle la foule, et jusque dans le domaine de l’art elle est féconde puisqu’elle a refait les planches perdues de Marc Antoine, le collaborateur de Raphaël » — et il se déclare aussi ouvertement en faveur des droits du photographe, non sans rappeler les législations de la Norvège et de l’Allemagne qui donnent à la photographie un privilège, plus limité dans le temps, de cinq ans.

L’agitation de la critique et les efforts des écrivains n’ont pas été sans fruits, même en Italie. Le photographe Charles Naya avait formé avec le concours d’un artiste, et non sans frais relativement considérables, un recueil de photographies des tableaux les plus renommés de la célèbre galerie de Venise. On trouva bientôt des reproductions abusives de ces photographies ; procès intenté par M. Naya ; la Cour de Venise condamna contrefacteurs et débitants, attendu que les photographies constituent une œuvre de l’esprit quand celui-ci a concouru à en faire une œuvre de l’art.

Un photographe éclairé, M. Brogi, de Florence, s’est donné beaucoup de peine, dans une brochure exposant la question au point de vue de la doctrine, pour éloigner les doutes, provoquer la discussion au sein des chambres de commerce, ainsi que les vœux de la société italienne des auteurs et les déclarations du gouvernement ; il en a été récompensé : la réponse a été concordante, unanime, et l’on peut aujourd’hui affirmer que le droit d’auteur est aussi reconnu au photographe en Italie. Il ne sera pas sans intérêt à cet égard de connaître la note que le ministre italien a donnée, en avril 1886, à la chambre de commerce de Florence qui l’interpellait sur la question : Par les études faites à ce sujet, je suis arrivé à la conviction que ni l’esprit ni la lettre des dispositions contenues dans ladite loi n’excluent de la catégorie des œuvres de l’esprit, de tels travaux dont la perfection, atteinte actuellement grâce à l’intelligence et au courage de nombreuses personnes qui cultivent cette branche spéciale des arts, nous place dans l’impossibilité morale de leur refuser, sans commettre une injustice, le caractère d’œuvres artistiques, aussi peu que nous le refusons aux produits d’autres branches analogues, telles que les produits de la lithographie, de la chalcographie, de la phototypie, etc., admis déjà conjointement avec ceux de la gravure, de la peinture et de la sculpture, au bénéfice de la protection accordée par la loi.

Et en effet, si, aux termes de l’article 1er de ladite loi, les auteurs des œuvres de l’esprit ont le droit exclusif de les publier, de les reproduire et d’en vendre les reproductions, on ne pourra refuser, dans la plupart des cas, le rang et la qualité d’œuvres artistiques aux reproductions photographiques qui exigent indubitablement le concours de connaissances théoriques et pratiques du dessin, des règles spéciales de la perspective et de l’optique, ainsi que la coopération d’un certain critère et de goûts artistiques.

Une seule objection pourrait peut-être surgir : c’est la difficulté de distinguer les contrefaçons quand il s’agit de la reproduction de la même œuvre d’art ; ainsi, par exemple, quand plusieurs photographes prennent des reproductions de la même statue, du même monument, de la même peinture, etc.

Mais d’abord, cela est une question de nature plutôt juridique qu’administrative et, partant, elle incombe entièrement à la compétence de l’autorité judiciaire qui pourra, dans chaque espèce, juger et décider dans les contestations naissant de telles contrefaçons. Ensuite il est facile de faire observer que le choix spécial du point de vue nécessaire dans toute opération photographique, la diversité des contrastes de la lumière, la gradation des clairs-obscurs et des teintes que chaque photographe choisira et qu’il appliquera dans l’opération elle-même, la manière et la force de la teinte employée par chacun dans son propre travail, tous ces éléments qui constituent toujours des degrés divers de perfection, sensibles même pour les simples copies et servant à distinguer celles-ci les unes des autres, fournissent certainement, si ce n’est aux profanes de l’art, du moins aux praticiens et connaisseurs, des données suffisantes pour émettre un jugement sur l’existence ou l’absence d’une contrefaçon.

En outre, eu égard au côté économique de la question, le fait n’a pu m’échapper que l’exercice de l’art professionnel du photographe exige certaines ressources pécuniaires pour les appareils, les coûteuses substances chimiques employées, les frais qu’occasionne le déplacement nécessaire pour aller prendre les épreuves négatives d’après nature, etc.

Par conséquent, j’ai le plaisir d’annoncer à l’honorable président, pour qu’il puisse, quand le cas se présentera, en avertir les intéressés, que les déclarations qui seront faites en vue de réserver les droits d’auteur, soit pour des œuvres originales, soit pour des reproductions dans le domaine de la photographie seront admises à l’enregistrement.

Voilà une interprétation presqu’authentique de la loi, une autorité de plus pour guider la jurisprudence italienne.

Serge Plantureux

Français, Serge Plantureux est collectionneur de photographies. Il réside à Paris, en France.

http://plantureux.fr/

Merci de vous connecter ou de créer un compte pour lire la suite et accéder aux autres photos.

Installer notre WebApp sur iPhone
Installer notre WebApp sur Android